Vote des étrangers : pour l’égalité des droits




Le Sénat a étudié jeudi 8 décembre un projet de loi portant sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales. Cela ne changera rien à leur situation, mais l’affaire a le mérite de souligner une discrimination.

Le débat sur le droit de vote des étrangers et des étrangères revient souvent à l’approche des élections. Porté notamment par la gauche, la première promesse faite par Mitterrand en 1981 resta lettre morte et ce fut pareil pour tous les gouvernements socialistes qui suivirent. Aujourd’hui, le sujet permet aux partis de droite et de gauche d’avoir un débat idéologique leur donnant la possibilité de se démarquer et de flatter leur électorat respectif malgré des programmes sensiblement identiques. Ainsi la droite et l’extrême droite se positionnent sans complexe contre le droit de vote des étrangers aux élections municipales, tandis que la gauche tente de se racheter une image antiraciste en se prononçant pour. Cette hypocrite comédie républicaine est actuellement mise en scène par le Sénat, récemment passé à gauche. Mise en scène purement symbolique puisque la majorité UMP à l’Assemblée est contre et que le dernier mot revient toujours aux députés en cas de désaccord entre les deux chambres. Ce débat a de surcroît permis au FN d’appeler à une manifestation contre le projet de loi jeudi 8 décembre devant le Sénat, le jour ou la loi était étudiée par les sénateurs.

[*Hypocrisie démagogique*]

Donner le droit de vote aux étrangers – et ceci juste pour les élections locales – changera t-il quelque chose à leur situation ? Essentiellement non. Mais le fait de la revendiquer, peut-être : cela permet de mettre en lumière une discrimination institutionnelle flagrante et de remettre en cause l’idée de citoyenneté « nationale », fondamentalement raciste et identitaire. Mais il est aussi intéressant que cette question soit posée publiquement pour démontrer la vraie nature de notre très relative démocratie. Depuis la Révolution française, il a toujours existé des catégories de travailleurs n’ayant pas le droit de vote. Celui-ci fut d’abord censitaire, réservé aux bourgeois pouvant payer cent écus d’impôts. Puis, écartant pendant plus d’un siècle la moitié de la population du droit de vote, à savoir les femmes, cette inégalité citoyenne serait paraît-il terminée depuis 1945… Seulement, les travailleurs immigrés n’ont jamais eu le droit de voter. C’est un aspect du rapport de domination raciste : les politiciens n’ont aucun intérêt à se préoccuper d’améliorer la vie de gens qui n’iront pas les élire. Et ils ne veulent pas que ça change puisqu’il faudrait alors se soucier un peu plus d’une population en situation de très forte précarité et fortement mécontente, l’absence de répartition des richesses restant de mise...

[*Un combat pour l’égalité*]

Si le droit de vote des étrangères et des étrangers est totalement légitime, il faut en même temps admettre que l’obtenir changerait peu de chose et que cette revendication ne doit en aucun cas être une fin en soi. Les travailleurs et travailleuses immigrés les plus anciennement installés n’ont d’ailleurs que peu d’illusion sur les conséquences qu’entraînerait le droit de vote, constatant la façon dont on traite leurs enfants, juridiquement français et citoyens, mais toujours soumis à un traitement colonial dans les cités et aux violences policières. En comparaison, si le droit de vote des femmes a représenté une avancée et a pu jouer en faveur des mouvements féministes, il n’a jamais déconstruit les inégalités entre hommes et femmes. C’est dans cette perspective, sans illusion, qu’il faut revendiquer le droit de vote des étrangers, à conditionque cette campagne ne soit pas portée par des élus pour des raisons opportunistes, mais par les étrangères et étrangers eux mêmes. Surtout en cette période de grand carnaval électoral où les immigré-e-s, frange la plus opprimée de la société, seront comme toujours les grands absents des débats, sauf pour être stigmatisés.

Nico Pasadena (commission antiraciste d’AL)

 
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