grands projets ferroviaires Pour quelques minutes de moins




Le 30 mars 2012, le ministère des Transports a approuvé le
tracé des 417 kilomètres de lignes nouvelles à grande vitesse prévues entre Bordeaux et Toulouse et entre Bordeaux et l’Espagne. Ces nouveaux sillons mettent en danger des milliers d’hectares de milieux naturels et de terres agricoles.

Selon le Réseau ferré de France (RFF), le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse a une double vocation : assurer la desserte à grande vitesse entre Paris et Toulouse en environ trois heure trente et permettre à termes de relier l’Atlantique à la Méditerranée, de Bordeaux à Nice.

Le tronçon Bordeaux-Espagne répond quant à lui à la demande de l’Union européenne de réaliser un axe ferroviaire à grande vitesse entre l’Espagne et le nord du continent. Si les Conseils régionaux d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées, dirigés par des alliances PS / EELV, sont d’ardents défenseurs des Grands projets ferroviaires du Sud-Ouest (GPSO), un réseau d’associations s’y oppose. La Sepanso, fédération régionale des associations de protection de la nature d’Aquitaine, dénonce les atteintes à l’environnement : « L’ouverture de ces nouvelles saignées en dehors des corridors de transport existants aurait pour conséquence la stérilisation de milliers d’hectares de milieux naturels, forêt et terres agricoles, doublée d’une fragmentation durable de l’espace traversé […]. 155 sites à forts enjeux écologiques, parmi lesquels 12 sites Natura 2000, risquent d’être impactés » [1].

Stérilisation des milieux naturels

La Sepanso conteste aussi la gestion des transports : « L’Aquitaine, et en particulier la région bordelaise, est submergée par un trafic de poids lourds en transit Nord-Sud, sans cesse croissant, aux multiples nuisances et qui ne nous paraît plus supportable. La priorité, pour les Aquitains, est la maîtrise de ce trafic de marchandise, notamment par un transfert modal de la route vers le rail. Or, le projet de LGV Bordeaux -Toulouse, destiné principalement au trafic de voyageurs, ne répond pas au problème posé aux Aquitains du développement incontrôlé de ce trafic de poids lourds. Pire, il détournerait d’importantes ressources financières et naturelles ».

Quant à l’Union régionale CGT d’Aquitaine, elle conteste le montage financier du projet : « Les 3 branches LGV sont appelées à être financées au moyen d’un « Partenariat-Public-Privé » (PPP) où la majorité du financement et des risques seraient publics tandis que les marges générées par l’exploitation de l’ouvrage seraient privées [...].

Au regard des nouvelles incertitudes financières et institutionnelles, du désengagement sans précédent de l’Etat et de la Communauté européenne sur ce projet et de la logique de déréglementation que sous-tend le choix du PPP et de mise en concession, le groupe CGT ne pense pas opportun pour la Région Aquitaine de souscrire au projet LGV » [2].

Des solutions alternatives existent

Mais c’est par son financement que ce projet pourrait échouer. Une étude à l’initiative d’ALTernative LGV, coordination d’élus du Lot-et-Garonne, compare pour la branche Bordeaux-Toulouse du projet GPSO la rénovation de l’actuelle ligne et le projet de RFF de nouvelle LGV. Plusieurs éléments sont largement en faveur de la rénovation. Tout d’abord, 175 hectares de terres agricoles gelées en Lot-et-Garonne contre 2 700 hectares pour la nouvelle ligne. Ensuite, trois fois moins d’énergie avec un TGV à 220 km/h sur une voie réaménagée qu’avec un TGV sur une LGV à 360 km/h. Enfin, une différence de coûts sans appel :
2,7 milliards pour le projet de rénovation contre 10 milliards pour la nouvelle ligne. Tout cela pour un écart de temps entre Bordeaux et Toulouse évalué entre 17 et 6 minutes. Cela ne fait rien, RFF s’entête ! La mobilisation sur le terrain est assumée par des associations créées pour cette occasion. Citons l’association Très Grande Vigilance en Albret, coordonnée avec d’autres associations du même type au sein de la Coordination 47. Ou le Collectif des associations de défense de l’environnement (Cade) qui incarne la lutte contre la LGV en Pays basque. Multiplication des réunions publiques, manifestations importantes, y compris dans de petites villes, rassemblements devant les Assemblées territoriales…

La mobilisation de proximité démontre à la fois l’hostilité des habitantes et des habitants et la détermination des opposants, ces derniers ayant lancé de multiples recours juridiques contre le dossier. Alors que l’ensemble des collectivités territoriales est appelé à contribuer au financement, certaines d’entre elles – les Conseils généraux du Gers et du Lot-et-Garonne, « travaillés au corps » – refusent maintenant de payer.

Plusieurs associations mobilisées

Pour Alternative libertaire, la question posée est celle du modèle de développement. Les véritables enjeux du projet GPSO sont flagrants : mettre en place un maillage ferroviaire entre les grandes métropoles européennes, au détriment d’un aménagement du territoire conçu à partir des besoins des populations locales. Peu importe que l’essentiel des transports des personnes se réalise dans la vie quotidienne, sur des distances assez courtes, dans des conditions qui ne cessent de se détériorer.

Seul compte le développement capitaliste qui veut des transports internationaux. L’ensemble des financements potentiels est mobilisé pour ces infrastructures gigantesques, offrant au passage d’immenses opportunités de profits aux Bouygues et consort…

De nombreux élus locaux, sensibles à la révolte de leurs administrés, prennent position contre la LGV. Mais les appareils politiques de droite, comme du PS sont unanimes pour défendre les intérêts des multinationales. Quant à EELV, englué dans la défense de ses intérêts de parti, elle balance aux orties tous ses discours sur le nucléaire, sur Notre-Dame-des-Landes, sur les nouvelles LGV… pour quelques maroquins ministériels.

Un modèle de développement irrationnel

En 1880, Paul Lafargue lançait son mot d’ordre « travailler deux heures par jour ». Cent trente ans plus tard, avec l’explosion de la productivité, les capitalistes parviennent à nous imposer de lourdes journées de travail pour les uns et l’exclusion pour les autres… en nous faisant réaliser des tâches sans intérêt social ! Il est totalement irrationnel de vouloir gagner une heure pour se rendre de Toulouse à Paris quand cela se traduit par du travail sans utilité sociale, par une destruction de l’environnement et quand la justification réelle du projet est la course au profit. Il est plus que temps de changer de cap, d’orienter le développement vers la satisfaction des besoins réels de la population.

Concernant le projet GPSO, la prochaine étape importante sera le lancement de l’enquête d’utilité publique fin du premier semestre 2013. La mobilisation sur le terrain, organisée par ce réseau d’associations, reste l’élément clef pour faire échouer ce projet.

Jacques Dubart (AL Agen)

 
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