Sécu : Le « trou », quel trou ?




Le trou de la sécu est l’alibi le plus souvent utilisé par les classes dominantes pour casser la Sécurité sociale. On en parle beaucoup, on nous l’explique peu, et pour cause.

Le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre cette année 12 milliards d’euros. Le « trou de la Sécu » est le résultat :
 des retards de paiement des entreprises à la Sécurité sociale (2 milliards en 2004 par exemple) ;
 des exonérations de cotisations en faveur des entreprises, selon le dogme maint fois infirmé qui veut que moins de cotisations = plus d’emplois. Les allègements de cotisations patronales seront globalement en 2007 de 20 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter encore 5,5 milliards d’exonérations ciblées (contrats aidés, zones franches, etc.). L’État compense partiellement les cotisations impayées du patronat en injectant de l’argent public ;
 du chômage de masse résultant des licenciements massifs effectués par les entreprises y compris quand elles sont très bénéficiaires, plus de chômeurs et de chômeuses, c’est moins de salaires versés et donc moins de cotisations ;
 de la baisse des salaires réels qui se traduit mécaniquement par une baisse des cotisations. Cette baisse est la conséquence des politiques suivies depuis 30 ans, permettant aux capitalistes d’accaparer une part toujours plus importante des richesses créées au détriment de la part des salaires. En une dizaine d’année, la part des salaires dans le PIB a baissé de 10 % ce qui correspond à 150 milliards d’euros sur 10 ans. Une augmentation de 1 % de tous les salaires rapporterait 3 milliards à la sécu.
 des profits gigantesques effectués par l’industrie pharmaceutique et par tous les « privés » du secteur de la santé. À titre d’exemple, Sanofi-Synthélabo a, en 2003, dégagé 6,62 milliards d’euros de marge brute (+ 9,1 % par rapport à 2002), dont une bonne partie part dans les poches des actionnaires… à présent vous savez où passent vos cotisations !

<titre|titre=Les 6 règles d’or de la casse de la Sécu>

1) Toujours faire payer plus les salarié-e-s, jamais le patronat

Les cotisations sociales et patronales ne doivent pas augmenter de la même façon. En 2004, le ministre de la Santé Douste-Blazy déclarait : « En ce qui concerne le financement, le gouvernement veillera tout particulièrement à ce que, si de nouveaux prélèvements étaient nécessaires, ils ne pénalisent ni la croissance ni l’emploi ». En langage libéral, cela signifie : l’augmentation des cotisations sociales des salariés d’accord, l’augmentation des cotisations patronales, jamais ! En 2004, le ministère de la Santé argumentait que « laisser au patient un reste-à-charge pourrait permettre […] de sortir de l’impression d’une gratuité totale des soins. » Mais chaque salarié-e cotise chaque mois pour l’assurance-maladie : une cotisation est déduite de son salaire brut. Et chaque salarié-e a donc droit à son assurance quand il est malade ! Derrière une attaque idéologique contre la « gratuité », c’est simplement la volonté de pressurer les salarié-e qui intéresse le patronat et l’État ! La création d’une franchise médicale sera une nouvelle étape dans cette logique.

2) Initier une « nouvelle gouvernance » : la privatisation

Les intérêts privés doivent avoir de plus en plus accès à la gestion de la Sécurité sociale, au détriment des assurés sociaux. Mutuelles complémentaires et assurances privées (qui s’empareraient des domaines abandonnés par la Sécu) auraient ainsi leur mot à dire sur l’étendue des tarifs et des remboursements pratiqués : le gâteau serait sûrement très bien partagé… au détriment de l’intérêt général.

3) Dérembourser les médicaments plutôt que les supprimer

En 2004, Raffarin avait donné la ligne essentielle de sa réforme : en plus de ses cotisations sociales, l’assuré-e doit payer une part des soins de sa poche, pour être « responsabilisé-e ». Certains médicaments ne seront donc plus remboursés. Lesquels ? Ils seront choisis « en fonction de critères scientifiques ». On cesse donc de rembourser des médicaments parce qu’ils seraient inefficaces… Question : s’ils sont inefficaces, pourquoi leur vente est-elle autorisée ? Parce qu’en autorisant leur vente, on autorise l’enrichissement des multinationales pharmaceutiques. C’est la morale fondamentale du capitalisme : si quelque chose est inutile mais peut se vendre, alors le patronat le produit et le vent. Si quelque chose est utile à la société mais pas rentable au patronat, on en cesse la production.

4)Exclure les plus pauvres

Pour le pouvoir, la casse de la Sécu est une étape de plus dans l’abolition du droit à la santé. L’exclusion de certaines catégories de populations du champ de la Sécurité sociale a commencé début 2004 avec la réforme de l’Aide médicale d’Etat (AME), seul recours des personnes sans droit au séjour en France, et devenue quasi impossible à obtenir.

5) Faire diversion

Régulièrement, les médias à la solde du pouvoir accusent les assurés sociaux de frauder.

Ainsi en 2004, une rumeur avait circulé : il y avait 10 millions de cartes vitales « en trop », donc en possession d’assurés fictifs. De surcroît, les cartes existantes étaient censées être utilisées par des familles entières, pour profiter de la couverture médicale d’un seul malade ! Le gouvernement envisageait donc de coller une photo sur la carte. La rumeur fit long feu et le projet gouvernemental tomba aux oubliettes. Cependant, le gouvernement faisait ainsi un aveu involontaire : si des gens ont besoin de frauder pour se soigner, cela signifie que le principe d’une couverture médicale universelle est une fiction, et c’est là le scandale !

6) Donner une part de gâteau aux assurances privées

C’est l’idée avancée régulièrement par les libéraux, qu’il faut ajouter un « troisième étage » en plus des deux niveaux de remboursement actuels que sont, d’une part, le régime de Sécurité sociale obligatoire, d’autre part les « mutuelles complémentaires ». L’ambition est de :
 diminuer la part des cotisations sociales et patronales au profit des assurances individuelles privées, dans une logique comparable à la réforme des retraites avec la capitalisation ;
 combiner cette contre-réforme avec celle de l’hôpital public, dont le financement est à 100 % pris en charge par la Sécu. Ainsi le projet « Hôpital 2007 » se résume à confier au privé les soins les plus rentables et au public les plus coûteux ! Et on va, après cela, crier au déficit public !
 abattre la conquête qu’a été la Sécurité sociale, créée à la Libération. Avec elle, depuis 1945, un secteur essentiel de la vie collective échappe à la loi du profit. Le patronat veut l’anéantir car elle est porteuse, dans une société dominée par le capitalisme, de valeurs alternatives : « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ».

<titre|titre=Trois raisons de défendre la Sécu>

Le gouvernement et le principal syndicat patronal, le Medef, veulent à tout prix « réformer » (lisez : « casser ») la Sécurité sociale en commençant à privatiser l’assurance-maladie. Pourquoi faut-il se battre contre la privatisation ?

1. Parce qu’elle favorise les plus riches et amoindrit le droit à la santé pour tou-te-s. Moins de « Sécu » pour tou-te-s, plus d’assurances privées pour ceux et celles qui en ont les moyens. C’est le fil conducteur de la logique gouvernementale. Cela signifie que le droit universel à la santé n’existe plus. Seuls les plus riches pourront se permettre une assurance-maladie complète.

2. Parce que le « trou de la Sécu » est un mensonge. On nous parle d’un déficit de 13 milliards d’euros de la Sécurité sociale… mais un simple examen des comptes 2003 de la Sécu montre que le cumul des retards de cotisations patronales et des retards de paiements dus par l’Etat représente 20,1 milliards d’euros ! Le « trou » est donc un mensonge et un alibi.

3. Parce que notre santé n’est pas une marchandise. Les assurances privées attendent impatiemment la « réforme », car elle leur permettra d’accaparer une portion du « marché de la santé ». Elle leur permettra également de cogérer la « Sécu » et donc d’être juge et partie dans la répartition du « gâteau » entre elles-mêmes, la Sécu et les mutuelles.

<titre|titre=Les femmes toujours les plus touchées>

Surreprésentées dans le temps partiel ou la précarité, situation aggravée quand elles sont à la tête d’une famille monoparentale, les femmes sont les plus susceptibles de bénéficier de la Couverture maladie universelle (CMU). Elles sont particulièrement pénalisées par l’abandon par le régime général de parties importantes des remboursements au profit des assurances privées. Le manque de personnel soignant et la rareté des dispensaires ou centres médicaux publics, les obligent à fréquenter les cabinets privés, où les médecins spécialisés n’hésitent pas à pratiquer des tarifs bien au-dessus des tarifs conventionnés.
Les services les plus menacés ou fermés dans les hôpitaux sont les maternités, avec les services gynécologiques qui les accompagnent. Sans parler de l’état des centres d’IVG ! Quant au personnel hospitalier, 80 % sont des femmes, et la dégradation de ces professions est entraînée par les CDD, l’intérim, la sous-traitance et les privatisations prévues dans le plan Hôpital 2007.

 
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