Criminalisation politique : Aurore Martin, répression sans frontières




Depuis le 20 décembre 2010, Aurore Martin, militante basque de citoyenneté française, est obligée de vivre dans la clandestinité pour échapper à la prison. Pourquoi ? Du fait d’un mandat d’arrêt européen, lancé à son encontre par l’Espagne. La mobilisation s’organise contre cette mesure liberticide.

La justice espagnole reproche à Aurore Martin son engagement aux côtés de Batasuna, organisation politique indépendantiste basque d’extrême-gauche interdite en Espagne… mais parfaitement légale sur le territoire français !

Pour avoir participé à des réunions et avoir écrit des articles en faveur de la gauche abertzale, Aurore Martin risque désormais d’être livrée à l’Espagne, où, sous le coup d’une juridiction d’exception, elle encourt une peine de douze ans de prison et pourrait être placée pendant sept jours en garde à vue dans des geôles d’où la torture n’a toujours pas disparu, comme l’ont révélé et dénoncé à plusieurs reprises des organisations internationales.

Une Europe liberticide

La mesure liberticide qui permet une telle extension de la criminalisation et de la répression des activités politiques, c’est le mandat d’arrêt européen (MAE). Adopté en 2002 et entré en vigueur en France en 2004, il simplifie les extraditions dans l’Union européenne en mettant en place une procédure judiciaire automatique et en abandonnant l’exigence d’une double incrimination (qui supposait que les faits reprochés à la personne incriminée soient reconnus comme illégaux à la fois par le pays demandeur et par le pays sollicité) : même si l’Etat sollicité ne reconnaît pas l’infraction, la personne incriminée peut désormais être livrée à l’Etat demandeur.

Le cas d’Aurore Martin est un parfait exemple d’application de cette procédure : le MAE délivré à son encontre par l’Audiencia nacional d’Espagne a ainsi été validé par la Cour d’appel de Pau en novembre 2010 puis par la Cour de cassation le 16 décembre. C’est pourquoi Aurore Martin a décidé d’entrer dans la clandestinité.

Dès le mois de novembre, les déclarations d’organisation syndicales et politiques se sont succédées pour demander qu’Aurore Martin ne soit pas livrée à la justice espagnole. Le 29 novembre, à San Sebastian, 25 militantes et militants politiques, syndicaux ou associatifs ont tenu une conférence de presse pour dénoncer l’aggravation de la répression politique contre la gauche abertzale et, plus largement, contre l’ensemble des luttes sociales et politiques menées en Europe.

Coopération repressive

Comme l’ont bien noté ces militantes et militants, la procédure lancée contre Aurore Martin constitue un funeste précédent dans la coopération répressive entre Etats européens. Parallèlement, des député-e-s européens, des parlementaires ainsi que des élu-e-s locaux ont également signifié leur soutien à Aurore Martin en faisant adopter des motions ou en apportant leur signature à des pétitions.

La mobilisation dépasse ainsi largement le cadre des revendications portées par la gauche indépendantiste basque et se concentre plutôt contre la machine de guerre liberticide que constitue le MAE. C’est dans cette démarche que s’inscrit le manifeste rendu public le 21 mai 2011 [1] et signé par de nombreux élu-e-s du Pays basque ainsi que par une centaine de « personnalités » de l’Hexagone dont Stéphane Hessel, Xavier Mathieu, Annick Coupé, ou encore Jacques Gaillot.

Ce manifeste, qui demande l’abrogation des législations d’exception en Europe, condamne clairement le fait que « sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme, les Etats espagnol et français et leur appareils judiciaires criminalisent des expressions politiques » alors que « la gauche indépendantiste basque s’exprime et agit en faveur d’une résolution démocratique, politique et pacifique du conflit » [2].

La mobilisation ne faiblit donc pas et devrait prendre un nouveau souffle le 18 juin, date retenue pour l’organisation d’un meeting contre le mandat d’arrêt européen à Biarritz.

Benjamin (AL Paris Nord-Est)

[1Manifeste disponible sur www.lejpb.com

[2L’organisation indépendantiste armée basque Euskadi ta Askatasuna (ETA) a annoncé le 10 janvier 2011 un cessez-le-feu « permanent », « général » et « vérifiable » par la communauté internationale.

 
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