Allemagne : Sortir du nucléaire … pour un capitalisme vert




La mise hors service du parc nucléaire allemand, promise pour 2022, va s’accompagner d’une profonde restructuration du secteur énergétique du pays. Mais ce que vise Berlin, plus que la sobriété, c’est la montée en puissance d’une industrie des énergies renouvelables.

L’accident de Fukushima a provoqué en Allemagne des manifestations massives. La dernière en date, le 28 mai, a rassemblé 160 000 personnes dans vingt villes du pays. Cela a précipité la décision de fermer les centrales nucléaires allemandes d’ici à fin 2022.

Pour sortir du nucléaire, l’Allemagne devra trouver comment compenser les 22 % d’électricité que produisaient ses dix-sept centrales nucléaires. Les sept plus anciennes, arrêtées dans l’attente d’un audit, le resteront. Une huitième centrale, touchée par de multiples pannes, est mise hors service. La majorité des autres seront arrêtées d’ici fin 2021. Les trois plus récentes continueront de fonctionner jusqu’à la fin 2022. « Les Allemands vont peut-être utiliser un peu plus de charbon et importer un peu plus d’électricité », estime Bernard Laponche, de l’association Global Chance, « mais de façon transitoire ». Car l’Allemagne donne un coup d’accélérateur à sa politique d’économie d’énergie et de développement des énergies renouvelables. Elle prévoit de réduire sa consommation d’électricité de 10 % d’ici 2020. D’abord en isolant les habitations et en faisant évoluer les appareils électroménagers et audiovisuels qui représentent un important potentiel d’économies. Ensuite par des études déjà lancées dans l’industrie pour élaborer des moteurs moins gourmands. Enfin par la généralisation de la cogénération [1] – qui devrait être multipliée par trois et permettre de fermer certaines centrales au charbon.

Mais ce qui est est au cœur du plan, c’est le développement des énergies renouvelables et des centrales à gaz évoluées rejetant moins de carbone. En 2010, la part des énergies renouvelables dans l’électricité s’élevait à 17 % (hydroélectrique 3,3 %, éolien 5,8 %, biomasse 4,5 % et photovoltaïque 1,9 %). Elle devrait atteindre 35 % en 2020, 50 % en 2030 et 80 % en 2050.

[*Des « autoroutes du courant »*]

Le gouvernement allemand prépare des plans industriels gigantesques. Un programme d’aide de 5 milliards d’euros est prévu pour construire des parcs éoliens offshore en mer du Nord et en mer Baltique. Le ministère de l’Environnement prévoit que, d’ici à 2030, 25 000 mégawatts éoliens offshore seront produits. Des « autoroutes du courant » seront construites pour porter l’électricité du nord au sud du pays. Le projet Desertec qui, à l’aide de centrales solaires, éoliennes ou photovoltaïques, permettrait d’exploiter les ressources en énergie des pays du Sud au profit de l’Occident, est aussi appelé à la rescousse. Car le plan allemand ne s’attaque pas aux intérêts des multinationales. Il veut développer un « capitalisme vert » qui offre de nouveaux espoirs de profits.

[*Maintien de la logique productiviste*]

Nous devons nous interroger sur la stratégie de sortie du nucléaire en France. Une durée de vingt ans permet aux classes dominantes de redéployer leurs technologies, de maintenir la logique productiviste et la centralisation énergétique de la société. Une sortie très rapide du nucléaire, conjuguée avec la socialisation des grandes entreprises du secteur énergétique et avec le développement d’énergies renouvelables dans le cadre d’un réseau décentralisé de micro-unités de production, permettrait, elle, de réelles évolutions sociales et écologiques.

Jacques Dubart (AL Agen)

[1Réutilisation de la chaleur dégagée par la production électrique.

 
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