Derrière les mots par Yannis Youlountas




Pierre Dac est mort et Laurent Gerra est toujours vivant. C’est bien le double drame du monde de l’humour français. Yannis Youlountas nous sort avec bonheur, tendresse et férocité de l’impasse.

Car, bien décidé à redonner du sens aux mots, l’auteur invite à parcourir un abécédaire insolent, poétique et politique, radicalement opposé au discours ambiant qui aura tristement rendu les mots impuissants, vides, ou pis : au service de « valeurs… qui servent à avaler n’importe quoi » (à l’article « valeurs » dans le livre).

Militant, philosophe, écrivain (Les Lèvres d’Athènes, éditions La Gouttière), poète « blasphémateur » [1], impliqué – malgré des réserves – dans la campagne de José Bové, contributeur de Siné-hebdo, du journal La Décroissance, notre homme est aussi foisonnant que ses origines (grecques et françaises), et Derrière les Mots reprend bien cette diversité.

On passe de l’aphorisme philosophique – « Nature : comme la plupart des esclaves, elle finira par détruire ceux qui cherchent à la dominer » –, au (faux) aphorisme drolatique – « Cheminée : télévision simplifiée qui résume les événements du monde sans nous refroidir ». On va du franchement scabreux façon Hara-Kiri (voir l’article sur Choron d’ailleurs), au lyrique, à l’héroïque, le tout ponctué de quelques longues digressions d’humeur ou d’analyse (sur le travail, le poète et la poésie, le sport), avec des récurrences énervées et jouissives contre la police, les francs-maçons, et évidemment le monde politique.

C’est malpoli, bien écrit, tendre, violent, érotique, parfois de mauvaise foi ou de mauvais goût, et toujours juste : ça fait du bien par où qu’ça passe !

On notera que Yannis Youlountas vient de faire paraître, toujours aux éditions libertaires dans la collection « Paroles », Paroles de murs athéniens, sur les graf’ et peintures murales des quartiers d’Exarchia et autres.

Cuervo (AL BanlieueNord-Ouest)

• Yanis Youlountas, Derrière les mots, Éditions libertaires, 10 euros.

[1Le recueil Poèmes insoumis, publié en Grèce lui aura valu d’être retiré des rayons pour blasphème. Son autre recueil en français Poèmes ignobles, contre une poésie de l’ennui et de la bienséance est précédé d’un court texte « Du danger croissant de blasphémer ». éditions de La Goutière également.

 
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