Partenariats public-privé : Pas de concessions pour le capitalisme vert




La « commande publique », ensemble des contrats passés par l’État et les collectivités territoriales concernant la fourniture de biens, d’équipement, de travaux publics et de service, est la porte d’entrée du capitalisme vert, nouvel apparat du capital au détriment des populations et de l’environnement.

La commande publique se divise en deux familles. En premier lieu, un code régit les marchés publics. La prestation est délimitée dans le temps et l’espace avec un contrôle du prix. L’autorité publique garde la maîtrise de la prestation, le contrôle de son exécution ainsi que de son financement. La seconde famille est la délégation de service public (DSP), se subdivisant en régie intéressée, affermage et concession. De cette dernière, dérive le « partenariat publique privé » (PPP) où l’autorité publique délègue une partie – voire l’intégralité – de la prestation, donc de son financement, de sa définition et de son contrôle.

[*L’histoire d’une délégation*]

Les travaux du Canal du Midi au XVIIe siècle furent le premier exemple de cofinancement État/privé. A partir du Second Empire, l’Etat et les collectivités locales ont généralisé les contrats avec des entreprises pour cofinancer ou gérer des infrastructures notamment de services d’eau et de transports ferroviaires ou fluviaux. La forme utilisée est la délégation de service public, soit sous sa forme d’affermage, soit sous sa forme concessive. La différence entre ces deux types de contrat se situe dans son mode de financement. Dans le premier, le public garde le contrôle du financement alors que dans le second, celui-ci est pris en charge partiellement ou totalement par le privé. Mais dans tous les cas, l’État garde la maîtrise d’ouvrage – ou son contrôle – donc la conception. En 2004, une ordonnance créée pour les grands projets un contrat de partenariat, également nommé PPP. Si ce type de contrat s’inspire du mode concessif, il en diffère fortement : la conception et une grande partie du financement passent au privé. Une clause peut introduire une condition de rentabilité fixant le remboursement de l’investissement privé, payé par l’argent public. Les PPP ont été mis au point sous la pression des grands groupes de travaux publics pour contourner la loi Sapin de 1993 – complétée par la loi Barnier de 1995 – qui limite la durée des DSP à vingt ans hors autorisation spéciale. Cette disposition, nouvelle en France mais expérimentée dans des pays comme le Brésil, est utilisée dans des domaines comme les hôpitaux, les lignes grandes vitesse ou encore les aéroports.

[*Notre-dame-des-landes*]

Le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, prés de Nantes, en est l’illustration. Le contrat pour la construction et la gestion de cet aéroport est pour le moins curieux et sa légalité pourrait être interrogée. Officiellement sous le mode concessif, il introduit des clauses spécifiques au PPP. Ainsi le privé a conservé les intérêts du contrat concessif – notamment une partie de la conception reste au public – tout en transférant les risques financiers, logiquement à sa charge, au public. Il permet également une durée de la concession de 55 ans. Une clause de performance garantit un rendement de 12 % aux actionnaires de Vinci si les prévisions de trafic opérées par la commande publique et garantissant l’équilibre économique du contrat ne sont pas au rendez-vous. Cette clause pourra également s’appliquer si le coût réel dépasse les montants initiaux et si le rendement financier ne le compense pas. Or des constructions d’aéroports comparables ont souvent atteint des sommes dépassant 1,5 milliard d’euros, alors que les estimations pour le projet s’arrêtaient à 556 millions d’euros en 2010 ! De plus, le projet tient trop insuffisamment compte des coûts induits par les lois Grenelle imposant de compenser la destruction des zones humides par une surface double transformée en zone humide. C’est le jackpot pour Vinci !

[*Développement durable ?*]

Ce grand projet, par ailleurs nuisible d’un point de vue écologique et social, aurait pu être financé dans le cadre d’un simple marché public. Il aurait alors été nécessaire de scinder la construction et la gestion. L’avantage de construire sous marché public est double. La maîtrise d’ouvrage reste totalement au public et son financement est assuré par ce dernier sur fonds propres ou sous forme de prêt négociés à des taux de 4 à 6 % ! Les élus et les pouvoirs publics ne doivent pas être très sûrs de la rentabilité de leur beau « gadget » pour laisser ce cadeau à Vinci. Mais les cadeaux ne s’arrêtent pas là ! En règle générale, les entreprises privées n’investissent pas sur leur fonds propres mais également par des prêts bancaires, à ces taux de 4 à 6 %, inscrits dans leurs comptes d’exploitation entre 8 et 10 %. Toujours dans le compte d’exploitation, ces entreprises privées notifient leurs impôts sur les bénéfices au taux légal de 33 % alors que le taux moyen des entreprises du CAC40 est plutôt de l’ordre de 24 %. Ce ne pourra se vérifier que par un audit sérieux du contrat et des futurs comptes d’exploitation. Mais trop tard, le mal sera fait !

[*Capital naturel ?*]

Cet exemple permet de comprendre pourquoi tant de projets pharaoniques, coûteux et inutiles, aéroports ou lignes à grande vitesse sont imposés à la population – et donc aux contribuables – pour les seuls intérêts des multinationales. Il serait facile de poursuivre les exemples critiques dans tous les services publics ayant un impact environnemental comme l’eau, les énergies, etc. Les grands groupes du BTP privilégient évidemment la rentabilité pour les actionnaires à l’intérêt écologique et social.

Le capitalisme, après sa phase néolibérale, veut maintenant poursuivre sa régénération via le développement de l’économie verte : le concept de « développement durable » prétend concilier l’économie, la croissance, le social et l’environnement par l’utilisation de nouvelles technologies. Prenant acte de l’inefficacité partielle du « développement durable » lors de la conférence Rio+20 – sous l’impulsion notamment de l’État du Brésil – le capitalisme recherche un nouveau cycle de croissance.

Les outils d’évaluation sont déjà là : la division des statistique des Nations unies a élaboré un système de comptabilité environnementale et économique intégrée (SCEE). Les variations des stocks de « capital naturel » seraient ainsi évaluées en termes monétaires et intégrées aux comptes nationaux. Par ce biais, le capitalisme, sous l’égide du Programme des Nations unies, organise la marchandisation globale de la nature en donnant une valeur marchande capitaliste à tout environnement matériel ou immatériel. Il s’agit d’un nouveau combat à mener ! Pour une société socialement et écologiquement juste au profit des populations et de leur environnement nous devons tuer dans l’œuf ce capitalisme se prétendant vert !

Mickaël (AL Nantes)

 
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