Mexique : Les tortionnaires reviennent au pouvoir




Au Mexique, la mafia du parti révolutionnaire institutionnel reprend en toute impunité ses sinistres pratiques depuis l’élection du nouveau président de la République, Enrique Peña Nieto.

Le 1er décembre dernier, Enrique Peña Nieto (EPN) a pris ses fonctions de Président de la République du Mexique, redonnant au Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) le pouvoir présidentiel perdu en 2000 au profit du Parti action nationale, après 70 ans de règne ininterrompu. Pour fêter cela, le PRI a violemment réprimé le mouvement #132 lancé au printemps 2012 par des étudiants et dont les pratiques sont proches des mouvements des Indigné-e-s ou d’Occupy.

La mafia priiste va ainsi pouvoir reprendre ses sinistres pratiques en toute impunité : corruption, clientélisme, répression, soutien aux groupes paramilitaires, etc. Tout cela sur fond d’avancement du projet néolibéral nord américain, déjà bien développé par le Parti action nationale (PAN) ces dernières années : privatisation rampante des services publics (énergie, éducation), mégaprojets imposés (barrages, parcs éoliens, mines), acharnement contre les mouvements sociaux et indigènes. Et pour accompagner tout cela, le recours massif à l’armée et à la police en arguant de la guerre contre le narcotrafic, qui fait du Mexique l’un des pays les plus violent au monde (60 000 morts ces six dernières années).

Pour faire passer la pilule, EPN promet des réformes sociales et appelle l’armée et la police à respecter les droits de l’Homme. Il est même allé, contrairement à son prédécesseur, jusqu’à promulguer la « loi des victimes » neuf mois après son vote au parlement, considérée par les organisations sociales comme un premier pas vers la fin de l’impunité.

Retour du pri au pouvoir

Mais cela ne peut faire oublier le vrai visage du PRI qui revient au pouvoir : EPN était gouverneur de l’état de Mexico lors de l’opération policière d’Atenco en 2006 (2 morts, 27 viols, des dizaines de blessé-e-s et torturé-e-s), et son ministre de l’Éducation Emilio Chuayffet était secrétaire du Gouvernement lors du massacre d’Acteal du 22 décembre 1997 (45 morts, la majorité femmes et enfants, tués par des paramilitaires). En termes de justice et de respect des droits de l’Homme, on sait donc à quoi s’attendre.

Le PRI devra néanmoins compter avec des mouvements sociaux vigoureux, alimentés par le ras-le-bol de la guerre contre le narco, par la précarité économique (avec par exemple plus de sept millions de jeunes « ni-ni » qui n’ont ni travail ni études), et la lassitude face à un système politique autant corrompu.

Les mouvements sociaux en alerte

Le mouvement #132 reste actif pour mener la vie dure à EPN lors de ses déplacements, le Mouvement pour la Paix avec Justice et Dignité continue de mettre la pression pour un changement de stratégie face aux narcos, et les zapatistes ont décidé de reprendre de la voix, après quelques années plutôt silencieuses occupées à construire leur projet d’autonomie indigène au Chiapas.

Quarante mille militantes et militants cagoulés ont ainsi défilé – encore silencieusement – dans les rues de San Cristobal de Las Casas le 21 décembre pour commémorer les 15 ans d’Acteal. Puis l’EZLN a publié un communiqué le 30 décembre, dans lequel il revient sur sa stratégie du silence dont les médias traditionnels avaient profité pour enterrer le mouvement, et exprime sa volonté de renouer les liens avec les organisations sociales et indigènes, nationales et internationales, pour continuer sa lutte pour la justice, les droits des peuples indigènes et l’autonomie. Dix neuf ans après leur apparition publique, renforcés par des années d’expérience concrète de l’autonomie et toujours bien décidé-e-s à s’opposer aux projets néolibéraux au Chiapas, les zapatistes seront une sacrée épine dans le pied d’EPN.

Jocelyn (AL Montreuil)

 
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