Dossier Black Revolution : DRUM : Les Noirs en lutte sur le lieu de travail




Le DRUM (Dodge Revolutionary Union Mouvement) fut une organisation qui s’appuyait sur les ouvrières et ouvriers noirs de l’industrie. Né en 1968 d’une grève sauvage à Detroit, l’importance du DRUM réside dans le fait que le mouvement noir est passé grâce à lui des rues et des communautés aux lieux de travail.

A l’origine les ouvriers noirs de l’automobile se plaignaient des discriminations raciales qui sévissaient dans leurs usines et de l’incapacité ou de la mauvaise volonté du puissant syndicat de l’automobile à les combattre. Après plusieurs grèves «  sauvages  » condamnées par le syndicat, les ouvriers noirs commencèrent par créer leur propres organisations. Le DRUM considérait, à la différence du Black Panthers Party (BPP), que les travailleuses et travailleurs noirs, davantage que les chômeuses et les chômeurs, devaient être organisées car ils constituaient un groupe social décisif et potentiellement le plus puissant : il occupait une place centrale dans les plus importantes industries et devait avoir un rôle-clé à jouer dans le changement social.

Le DRUM s’inscrit aussi dans le nationalisme noir  : Mike Hamlin déclarait que « les Blancs en Amérique n’agissent pas comme des prolétaires, mais comme des racistes, voilà pourquoi je pense que les Noirs doivent continuer à avoir des organisations indépendantes des Blancs » [1]. D’autres mouvement syndicaux révolutionnaires, les « Revolutionary Union Mouvement » (RUMs) se formèrent chez Ford, General Motors…

Coordonner les organisations

Le DRUM souhaitant pouvoir coordonner ces différentes organisations, la League of Revolutionary Black Workers fut créée. « Ceux qui la créèrent (…) considéraient que l’organisation des travailleurs ne reposait pas sur une quelconque idée mythique de la noblesse de la condition ouvrière, mais sur la conviction que les travailleurs avait un véritable pouvoir. Les ouvriers sont au coeur des moyens de production. Quand ils se mettent en mouvement, tout le monde en est affecté. »  [2]. La League profita de la vague de radicalisation qui déferlait sur le pays. L’organisation progressa au départ à pas de géant tout comme les Panthers, remplissant l’énorme vide créé par la torpeur des syndicats et des organisations noires traditionnelles qui se refusaient à prendre en compte leurs intérêts et besoins propres. La League lutta contre les cadences et pour la sécurité du travail. Elle se fixa comme objectif le contrôle ouvrier.

Pour un mouvement ouvrier noir

Le mouvement DRUM échoua malgré tout. En dehors de la scission en 1971, les raisons sont les même que pour les autres organisations de l’époque  : manque de moyens financiers, problèmes de personnes, épuisement physique ainsi que la contre-offensive du camp adverse qui persécuta les militants du DRUM dans les usines. La solidarité du prolétariat blanc ne se produisit pas non plus, tant à cause du racisme présent dans les syndicats que de la stratégie du DRUM, moins ouvert que le BPP à faire la jonction avec les prolétaires blancs.

A la fin des années 1960, la situation était celle-ci  : le BPP tentait d’organiser les chômeurs et chômeuses et sous-prolétaires urbains à partir du ghetto, le DRUM, lui, tentait d’organiser les Noirs sur le lieu de travail. Les deux mouvements travaillèrent malheureusement peu ensemble, alors que la lutte coordonnée des travailleurs et des sous-prolétaires auraient pu aller bien plus loin. Aujourd’hui encore, cette convergence est difficile mais il n’en est que plus crucial de mener le combat antiraciste conjointement dans les quartiers populaires et dans les lieux de travail.

Nico Pasadena (commission antiraciste)


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[1Ahmed Shawki, Black and Red. Les mouvements noirs et la gauche américaine 1850-2010, Syllepse, 2012.

[2Ahmed Shawki, Black and Red. Les mouvement noirs et la gauche américaine 1850-2010, Syllepse, 2012.

 
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