Dossier Black Revolution : Mouvements noirs réformistes : Les écueils des stratégies bourgeoises




Parallèlement au mouvement noir révolutionnaire, les États-Unis ont connu divers mouvements porteurs de stratégies réformistes, visant à l’amélioration graduelle du sort des Noirs et à leur intégration dans la société capitaliste.

Parmi les stratégies bourgeoises coexistant avec les mouvements révolutionnaires, la plus ancienne est celle des gradualistes (progrès par étapes), remontant à l’époque de E. W. Dubois, porté par la NAACP. Mouvement de l’élite bourgeoise noire qui tentait des avancées petit à petit par la voie juridique, elle ne cessa de s’aligner politiquement sur le pouvoir lorsque ses intérêts de classes étaient menacés. Les intégrationnistes
engagés dans les mouvements des droits civiques restaient eux aussi dans une stratégie gradualiste et ne se posaient pas la question de la rupture avec le pouvoir et les stratégies institutionnelles.

Le Black Power de Stockely Carmichael, militant issu du SNCC  [1], fut un mot d’ordre qui a influencé la pensée de chaque section de la communauté noire, mot d’ordre que l’on peut comprendre comme «  contre-pouvoir  ». Le mouvement avait au début surtout une influence anticapitaliste (Carmichael et Rap Brown rejoindront un temps les Black Panthers) mais oscillait entre le réformisme et l’action révolutionnaire.

L’ambivalence du «  pouvoir noir  »

Le slogan de Black Power fut cependant récupéré les années suivantes par la bourgeoisie noire ainsi que par Richard Nixon. Eldridge Cleaver dira : « depuis que Nixon a énoncé sa doctrine du capitalisme noir, on a sciemment déversé des millions de dollars entre les mains de la bourgeoisie noire, on a sciemment privilégié les hommes de paille issus de ces rangs. On commence à intégrer la bourgeoisie noire à la classe dirigeante ».  [2]

Le toquenisme

Parallèlement à la fin du mouvement des droits civiques, les premières mesure d’affirmative action étaient mises en place, mais celles-ci, ne visant pas la remise en cause du soubassement économique et étatique de l’oppression raciale, ne permirent le progrès social que d’une petite couche de la communauté. Toutes ces stratégies ont été définies par les mouvements radicaux noirs par le terme de «  toquenisme  », qu’ils analysent comme la situation où le système s’ouvre à la marge pour mieux se maintenir et se reproduire.

Le toquenisme n’a permis que le renforcement de la bourgeoisie et de la classe moyenne noire mais n’a pas remis en cause la domination raciale : aujourd’hui l’oppression et l’exploitation raciales perdurent, que le président états-unien soit noir n’y a rien changé. En France même, la mise en avant d’une élite « indigène » répondant aux standards d’intégration et d’assimilation est une façon de dire aux autres  : « Restez à votre place, et si vous ne réussissez pas c’est que vous n’avez pas assez travaillé. » Le toquenisme existe aussi ici.

Nico Pasadena (commission antiraciste)


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[1Student Nonviolent Coordinating Committee (comité de coordination des étudiants non violent)

[2Daniel Guérin, De l’oncle Tom aux panthères noires, Les bons caractères, 2010.

 
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