A Contre-Courant : Le cirque électoral




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


Sans crier gare ni cavalcade tapageuse, il a déjà dressé son chapiteau. Et, sur les différentes pistes, les artistes finissent de mettre au point leur numéro, certains pas encore assurés de figurer lors de la première, d’autres, dépités, déjà recalés jalousant les premiers dans les gradins. On y voit déjà des numéros d’équilibristes hautement périlleux, d’autres s’échinent à paraître plus savants que leurs singes, les troisièmes (quelquefois les mêmes) font mine de dompter quelques monstres nommés Chômage, Insécurité, Immigration, Terrorisme et font claquer haut leurs fouets, tandis qu’une fine écuyère peine à se rendre maître de quelques rudes étalons. Mais gageons que, comme d’habitude, ce sont les clowns qui auront la faveur du public et que la compétition entre eux sera rude pour gagner cette dernière.

Pour l’instant, le public est encore très clairsemé, ne goûtant le spectacle que de loin, sans y prendre grand intérêt. Mais les Messieurs Loyal des médias se préparent eux aussi à rentrer en campagne, pour mettre en valeur les artistes, attiser leurs oppositions sur des points secondaires pour mieux masquer leur convergence sur l’essentiel. Convergence qui va quelquefois jusqu’à la connivence, perceptible dès lors que l’on laisse traîner ses yeux et ses oreilles dans les coulisses. Mais le personnel de surveillance veille à ce que le public ne s’égare pas malencontreusement dans ces endroits qui ne sont pas faits pour lui. Le charme du spectacle risquerait d’en être compromis.

Le public ne sera convié en masse que lorsque le spectacle sera parfaitement au point et le rôle de chacun déterminé. Et sa place est évidemment dans les gradins et nulle part ailleurs. Il ne lui restera plus alors qu’à juger les différents numéros, à applaudir aux uns et à les siffler les autres, à rire aux larmes aux grandes claques et coups de pieds au cul que se refilent les clowns, à trembler lors des voltiges des trapézistes. Le tout avant de désigner le vainqueur par acclamation et de s’en retourner chez lui, ayant pour quelques heures oublier ses soucis et la dure réalité du lendemain. Qui lui laissera un goût amer, celui de s’être fait une fois de plus berner.

Tel est du moins le scénario prévu. L’imprévu pourrait venir de ceux qui n’auront pas pris part au spectacle, ni comme spectateurs ni a fortiori comme amuseurs publics. Soit qu’ils n’y soient tout simplement pas conviés, faute de posséder les bons papiers ou des papiers tout court. Soit que, en possession de ses papiers, ils se sont jurés de ne pas (plus) prendre part à la mascarade. Ceux-là pourraient être tentés de forcer l’entrée pour envahir les pistes et troubler le spectacle. Voire de mettre le feu au chapiteau, histoire de renvoyer tous les bateleurs dans leurs foyers. Ces trouble-fête, dont nous nous serions assurément, seraient seuls en mesure de nous fournir un spectacle à la hauteur de nos ambitions.

 
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