Air France : Victoire du «  non  », un plus pour l’action directe ?




La direction se voyait déjà chevaucher la victoire. Janaillac, tel de Gaulle, mettait sa démission dans la balance. Patatras ! Elle est battue au référendum. Une défaite symbolique, en réalité. Elle n’aidera à la victoire des travailleuses et les travailleurs que si elle encourage la grève.

Pour contourner l’intersyndicale qui mène la lutte pour une augmentation des salaires de 6 %  [1], le PDG d’Air France-KLM a voulu rejouer le coup de poker de 1994. Cette année-là, la direction avait organisé un référendum pour faire approuver son « plan de redressement » (5 000 suppressions d’emplois, blocages des salaires, etc.).

En jouant sur la peur de l’avenir, elle avait triomphé avec 80 % de oui pour environ 84 % de participation. Elle s’était ainsi offert une belle revanche sur les syndicats, alors qu’à l’automne 1993, le PDG, Bernard Attali, avait dû céder (et démissionner) devant un formidable mouvement social dans les centres de maintenance industrielle de Roissy et d’Orly. Les mécanos avaient affronté les CRS sur les pistes pour empêcher la filialisation de différents secteurs… et avaient gagné !

Les personnels au sol vont-ils s’engager davantage  ?

En 2018, la direction a découvert que le référendum est une arme à double tranchant : son plan a été rejeté par 55 % des voix, avec une participation de 80 % des 47 000 salarié.es ! Après des années de bénéfices combinés à des suppressions d’emploi, l’intox n’a pas fonctionné.

Il faut noter qu’en 1994, la grande majorité des commentateurs médiatiques avaient glosé sur le « succès » du référendum ; en 2018 ils se sont empressés d’en minimiser la portée en soulignant qu’il n’avait aucune valeur légale...

Fort marri, le conseil d’administration a annoncé la désignation d’une « gouvernance de transition ». Les syndicats ont exigé la reprise immédiate des négociations, mais ont préféré observer l’évolution stratégique du gouvernement et de la direction avant d’appeler à une nouvelle grève. L’intersyndicale regroupe dix syndicats de pilotes (SNPL, Spaf, Alter), de personnels navigants commerciaux et de personnels au sol (SNPNC, Unsa, CFTC, SNGAF, CGT, FO, SUD). Tous avaient appelé à voter non au référendum, sauf le Spaf, plus à gauche que le SNPL, qui avait appelé à l’abstention. Hors de l’intersyndicale, la CFDT et la CGC avaient trouvé le moyen, de façon plus ou moins foireuse, d’appeler à voter oui !

L’enjeu , pour la direction, est de diviser l’intersyndicale en dissociant les pilotes des autres catégories. Mais il est clair que (pour l’instant  !) la majorité des pilotes souhaitent que leurs syndicats SNPL, Spaf et Alter  [2] restent fidèles à l’unité intercatégorielle… Le meilleur moyen de conforter cette solidarité inédite serait que la mobilisation prenne réellement corps parmi les personnels au sol dont beaucoup, quoique favorables, restent dans une posture de délégation de la lutte aux personnels navigants (stewards, hôtesses, pilotes). Le résultat du référendum les encouragera-t-il à franchir pleinement le pas de la grève ? Ce sera scruté de près.

P. Semeniouta (AL Banlieue sud-est)

[1Lire « Air France : la grève surmonte les divisions catégorielles », Alternative libertaire, mai 2018.

[2Adhérent à Solidaires, Alter pousse à sortir du corporatisme.

 
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