Allemagne : Une colère qui ne passe pas




Malgré le black-out sur l’information, la révolte des chômeu(se)s et des travailleur(se)s d’Allemagne contre la politique patronale, verte et sociale-démocrate ne faiblit pas. Une révolte qui sape les bases de la cogestion à l’allemande.

Dans tous les secteurs sociaux, le patronat et le gouvernement social-democrate et vert essaient d’attaquer les droits sociaux et politiques.

Depuis deux ans, date de la préparation et de l’adoption des lois d’Hartz, il y a une attaque sans précédent contre les chômeur(se)s et tous ceux qui sont menacés de chômage.

Il faut accepter n’importe quel travail, en même temps qu’une diminution des allocations chômage et beaucoup de chômeurs/euses perdent toute allocation. La durée de paiement des allocations a été ramenée à un an pour la majorité des chômeur(se)s.

En même temps, le patronat essaie de prolonger le temps de travail à 40 heures et plus et l’âge de la retraite à 67 ans.

L’absurdité et la violence de cette logique provoquent de plus en plus de colère parmi les travailleur(se)s et dans la population.

La population à l’Est, issue de l’ancienne République démocratique allemande (RDA), a le sentiment de vivre dans des régions sans aucune perspective d’avenir. Cela ressemble un petit peu à l’ambiance qui régnait à la fin de la RDA.

Une révolte anticapitaliste et antibureaucratique

Le mouvement social a commencé pendant l’été 2002 - un peu partout en Allemagne, là où des groupes et associations ou des individus de la gauche sociale sont implantés - il y a eu la naissance des comités anti-Hartz qui luttent contre ces lois nouvelles destinées à limiter les droits des chômeur(se)s.

Hartz, c’est le nom d’un des dirigeants de Volkswagen 1 - un poste qu’occupe toujours, dans le cadre de la cogestion, un syndicaliste choisi par la direction du syndicat. Donc Hartz c’est le type du syndicaliste cogestionnaire arrivé au pouvoir à travers la filière politique de la social-démocratie.

Par exemple à Berlin : tout a commencé par un appel de cinq personnes qui ont envoyé par mail un message pour se rencontrer et constituer un comité anti-Hartz.

Durant l’été 2003, il y a eu une réunion de coordination pour préparer une journée nationale de mobilisation le 1er novembre 2003. Cette journée a été organisée par Attac et la gauche syndicale. C’est-à-dire toutes celles et ceux qui sont contre la politique suiviste de la direction syndicale du Deutsche Gewerkschaftbund (DGB, syndicat unique lié organiquement au SPD et à son gouvernement). À ces voix, il faut ajouter celles des intellectuel(le)s qui critiquent cette contre-réforme.

Tout le monde a été alors surpris par l’ampleur de la mobilisation : 100 000 personnes étaient au rendez-vous le 1er novembre 2003 dans les rues de Berlin. Ce sont surtout beaucoup de chômeur(se)s et de travailleur(se)s habitant Berlin et sa région qui sont venu(e)s participer spontanément à cette manifestation à laquelle étaient initialement attendu(e)s… 5 000 participant(e)s. Cela a été un tournant du mouvement et en même temps le signe d’un mécontentement très important dans la population.

Autre signe des temps : la désillusion envers tous les partis établis - « le parti unique du néoliberalisme » - qui se traduit notamment par une abstention grandissante lors des élections municipales et régionales.

Désillusion aussi sur les directions de tous les syndicats qui sont incapables d’organiser la colère quand bien même ils en auraient la volonté.

Donc, ce climat, cette ambiance engendrent des révoltes spontanées. Mais on ne peut pas généraliser. Dans la ville qui a déclenché ces manifestations du lundi - Magdebourg (dans l’ex-RDA) - ce spontanéisme a procédé de l’initiative d’un chômeur de longue durée qui a rédigé et diffusé un tract pour appeler les gens à descendre dans la rue.

« Nous sommes le peuple »

Dans d’autres villes, des groupes comme les forums sociaux, des individus appartenant aux syndicats ou à des associations de chômeurs ou même aux églises ont pris les devants. Et le symbole des manifestations du lundi de 1989 a resurgi dans la conscience des gens. C’était comme la renaissance d’une dignité sociale. Par exemple, une des figures de la lutte de 1989 a déclaré ouvertement en public : « 89 c’était une révolution politique - mais une deuxième révolution reste à faire, une révolution sociale. » C’est la commune de Leipzig qui, en ce moment, incarne le plus cet état d’esprit.

La révolte est donc plus profonde qu’une simple contestation de la loi Hartz, mais en même temps cette loi est vécue comme une attaque frontale contre les droits sociaux et pour la soumission totale au capitalisme et à la bureaucratie d’État.

Donc, il y a des spontanéismes, mais il y a aussi des groupes politiques et des syndicats de base, c’est plutôt un mélange - bien à l’Est. Il y a une vraie dynamique des individus pour participer spontanément aux manifestations. À Berlin aussi, et c’est cela qui constitue un facteur nouveau.

« Nous sommes le peuple. » Le mot d’ordre du mouvement de 1989 contre la dictature bureaucratique et pour les droits sociaux et politiques est le moteur qui fait courir et qui fait un peu peur surtout aux syndicats cogestionnaires. Car ce sont ces syndicats qui souvent président les instances de l’Agence nationale pour l’emploi et de l’organisme équivalant aux Assedic. Ce sont eux aussi qui sont responsables de la mise en pratique de ces lois à partir du 1er janvier 2005.

Cela explique leur attitude vis-à-vis du mouvement. Ils prennent la présence de l’extrême droite 2 comme prétexte pour diffamer le mouvement.

Le rassemblement national, le 2 octobre à Berlin, est le prochain moment important pour l’avenir du mouvement.

Willi Hajek, septembre 2004

 
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