Alternatives : L’écologie en transition




Le mouvement de la transition, apparu en 2006 en Grande-Bretagne, cherche à préparer la société aux crises écologiques majeures qui l’attendent. En adoptant une méthodologie originale, il a essaimé partout dans le monde, mais se voit souvent critiqué sur son manque de perspective politique.

Le modèle de la transition a été créé en 2005 par Rob Hobkins, professeur en permaculture, dans le cadre de ses activités universitaires. Appliqué l’année suivante dans la ville de Totnes dans le sud-ouest de l’Angleterre, il a depuis été repris sur tous les continents par près de 500 initiatives officielles, et plusieurs autres centaines sont en gestation.

L’approche de la transition se base sur un double constat. Le changement climatique d’une part, qui va modifier l’environnement et les conditions de vie, et qu’il faudrait limiter le plus possible si l’on veut pouvoir s’y adapter. Le pic pétrolier d’autre part, c’est-à-dire le renchérissement du coût des énergies fossiles lié à la diminution des quantités disponibles, avant l’épuisement total des ressources. En sachant qu’aujourd’hui nous sommes totalement dépendants de ces dernières, que ce soit pour le transport, la production d’électricité, ou la fabrication des trois quarts des objets du quotidien qui contiennent des dérivés de pétrole.

A partir de ce constat, la conclusion est limpide : nos société vont connaître des transformations majeures, qu’on le veuille ou non. Or, nous ne sommes pour l’instant pas du tout préparés à de tels changements. C’est là qu’intervient la notion de résilience, chère au mouvement de la transition : il faut renforcer la résilience des communautés (quartiers, villes), c’est-à-dire leur capacité à se remettre des chocs qui les attendent, mentionnés ci-dessus.

Pour cela, il faut commencer dès aujourd’hui à mettre en place ce qui s’imposera demain sous la contrainte écologique : production (alimentaire et artisanale) locale, énergies renouvelables, réseaux de solidarité, sobriété dans la consommation de ressources, etc. Car si nous ne commençons pas maintenant, la panique et le désordre risquent de prendre le dessus par la suite, conduisant éventuellement à une catastrophe sociale et écologique.

Vaste mouvement collectif

Il n’y a, a priori, rien de très nouveau dans ces idées. D’autres mouvements comme la décroissance ou les Colibris, et de nombreuses initiatives (Amap, coopératives de production d’énergie, etc.) et ONG environnementales ont développé les mêmes analyses. Mais ces courants n’avaient pas vraiment pris dans les pays anglo-saxons où le mouvement de la transition se développe le plus. Ces mouvements apparaissent donc comme complémentaires au niveau international. Mais surtout, la transition convainc et motive particulièrement par certaines de ses méthodes.

Tout d’abord, la méthodologie de la transition incorpore une dimension psychologique. Reconnaissant que la prise de conscience écologique peut mener à l’angoisse et la panique, qui paralysent et peuvent provoquer le déni, elle présente la situation actuelle comme une chance, et non simplement comme une catastrophe comme le font souvent les ONG environnementales. Une chance de se réapproprier des savoirs et du contrôle sur la production, de renforcer le lien social, de vivre mieux avec moins, et de protéger la nature.

Ensuite, le mouvement a réussi à créer en très peu de temps un réseau étendu et dynamique. Réseau qui accompagne les nouvelles initiatives, forme des « meneurs », propose de nombreuses ressources documentaires, organise des rencontres, etc. Enfin, un facteur important de la réussite des initiatives de transition réside dans la mise en place d’actions concrètes au niveau local, ouvertes à toutes et tous. Jardins partagés, plantation d’arbres fruitiers, réduction de la consommation d’énergie, projets de production d’énergie renouvelable, tout cela rassemble au-delà des positions politiques traditionnelles, chacun y trouvant son intérêt financier, social ou écologique. Les participants se réunissent autour du « oui », pour faire quelque chose ensemble, plutôt que du « non » et de la critique de ce qui ne va pas.

Le capitalisme en embuscade

Mais cette dynamique rassembleuse qui fait la force de la transition est aussi une de ses limites. C’est la principale critique adressée à ce mouvement, par exemple dans le livre Un écologisme apolitique ? Débat autour de la transition de Paul Chatterton et Alice Cutler, paru récemment en France. Car en voulant rassembler largement, et en se concentrant sur des actions concrètes et locales, la transition, comme beaucoup de mouvements écolos « citoyens », évacue toute analyse systémique.

Même si le modèle défendu est plutôt coopératif et horizontal, le capitalisme n’est pas critiqué comme système global, ce qui dilue les responsabilités des crises actuelles (sociale, économique, écologique). Car ce sont bien les capitalistes, aux commandes de l’économie et de la politique, qui sont responsables de la situation, et sans changement radical de système, les actions locales et individuelles sont certes bénéfiques, mais très limitées.

Cette absence de positionnement politique ouvre aussi la voie à la récupération par le capitalisme. C’est par exemple ce qui s’est produit avec le « développement ». Abandonnant toute activité politique pour se concentrer sur la résolution concrète des problèmes liés à la pauvreté, nombre d’ONG travaillent aujourd’hui main dans la main avec le système qui crée cette pauvreté. Mais au final, ce sont toujours les mêmes qui engrangent les profits, prennent les décisions, coupent les subventions et envoient la police quand les projets ou mouvements menacent trop l’ordre établi. La transition est donc une approche intéressante, rassembleuse et mobilisatrice, mais qu’il faut assaisonner, pour espérer changer réellement les choses, d’une bonne pincée de lutte de classes !

Jocelyn (AL Gard)

 
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