Après le 9 avril : Reprendre et garder la main




Avec près de 300 000 manifestants et manifestantes dans tout l’Hexagone, le 9 avril a été une date où s’est exprimé le refus de la loi des patrons et du PS qui leur sert la soupe. Pour autant, une question se pose : comment continuer ?

Appelée par une intersyndicale nationale CGT, FO, FSU et Solidaires, la journée de grève et de manifestations du 9 avril a été une première étape de remobilisation du camp du travail. Avec plus de quatre-vingt manifestations dans les départements et une manifestation nationale à Paris qui a rassemblé 120 000 personnes, il n’y a pas à rougir de cette journée d’action. Les raisons de se mobiliser ? Loi Macron, loi sur la santé, loi sur le dialogue social en préparation, mais aussi nombreuses luttes sur l’emploi, les salaires, les conditions de travail qui peuvent trouver dans des journées de grève nationale une utile caisse de résonance. La grève reconductible à Radio France, alors à pleine puissance, était emblématique de cette possible jonction des luttes et l’ouverture du cortège parisien par les grévistes ajoutait au climat combatif de cette journée. Et pourtant, bien des syndicalistes avaient de légitimes sueurs froides dans les jours qui ont précédé le 9 avril.

La manifestation ou la grève ?

Avec sa décision unilatérale d’appeler à une manifestation nationale à Paris, la direction CGT enfonçait un coin dans le cadre unitaire. Si cette stratégie a pu s’avérer payante en termes de visibilité pour la centrale de Montreuil, sans doute également pour motiver des équipes militantes CGT, il n’en reste pas moins que le braquet sur la manifestation nationale a de fait entravé des dynamiques locales : on a ainsi vu dans plusieurs départements se mettre en place des cadres intersyndicaux à géométrie variable, voire franchement concurrents. Une désunion bien loin de servir l’action.

Autre écueil : tout miser sur une manifestation nationale a pu conduire à certaines incohérences, comme par exemple le refus de la CGT-Cheminots d’appeler à la grève pour ne pas gêner le transport des manifestants. Privilégier la manifestation a aussi contribué à la modestie de l’action gréviste… bien qu’il soit toujours nécessaire d’analyser plus finement, localité par localité et secteur par secteur sa réalité ce jour-là. Par exemple, avec des taux de grévistes dans le premier degré de l’éducation nationale montant à 50 % à Paris et dans le 93, entre 40 et 50 % dans la Creuse, le Cantal ou le Puy-de-Dôme cette journée ne fût pas sans bonnes surprises. Parce qu’il était aussi urgent de réoccuper le pavé on ne peut pas non plus négliger des manifestations locales qui ont pu rassembler plusieurs milliers de manifestants, comme à Bordeaux (10 000), Toulouse (8 000), Lyon (7 000), Caen (3 000)…

Mais comment continuer ? Certaines structures syndicales (comme l’UD CGT de Seine-Maritime) demandaient une nouvelle date de mobilisation mi-mai. Un scénario qui n’était vraisemblablement pas celui qui arriverait à mettre d’accord les différentes organisations au plan national. Alors que le 1er Mai semblait être « naturellement » indiqué comme suite immédiate du 9 avril, on a assisté à un pas de deux syndical. On sait FO peu friande, par tradition, des 1er Mai unitaires… Deux cadres intersyndicaux se sont alors mis en place : l’un pour préparer le 1er Mai, avec CGT, FSU et Solidaires, élargi à l’Unsa (la CFDT ayant finalement refusé de s’y associer) ; l’autre dédié aux suites du 9 avril, dont on ne sait pas encore, à l’heure où nous écrivons, si FO en sera ou pas.

Le 1er mai... et au-delà

L’appel national au 1er Mai s’est donc retrouvé amputé de ce qui avait pourtant permis de mobiliser le 9 avril : notamment le refus de la loi Macron et du pacte de responsabilité. A contrario, dans plusieurs départements ou régions, et notamment en Île-de-France, c’est bien le cadre unitaire et les revendications du 9 avril qui ont servis de base aux appels du 1er Mai.

Bien sûr, une participation active et massive aux manifestations du 1er Mai est nécessaire. Reste à voir si une nouvelle date nationale de grève et manifestations sera proposée (si c’est le cas, sans doute en juin). En espérant que cette perspective n’achoppe pas, en cas de retrait de FO, sur la réticence de la direction CGT à se lancer dans des mobilisations aux côtés des seules union syndicale Solidaires (pourtant résolue à construire la grève) et FSU (régulièrement sujette, quant à elle, aux atermoiements).

Quoi qu’il en soit, c’est bien le chemin de la combativité qu’il faut retrouver pour imposer notre calendrier : celui des luttes ! À côté des appels interprofessionnels, des nombreuses grèves de boîtes, on peut aussi compter pour cela sur des mobilisations sectorielles nationales, comme la grève dans les collèges appelée le 19 mai prochain (appelée par une large intersyndicale FSU, FO, CGT, Sud, Snalc) ou encore une prochaine manifestation nationale (encore en débat) des salarié-e-s en lutte des centres financiers de la Poste.

Dans toutes ces luttes et mobilisations, si l’importance de construire des cadres unitaires pour engager l’action n’est plus à démontrer, il est vital de les appuyer par une action de terrain, au plus près de nos collègues de travail. En mobilisant pour cela les outils syndicaux que nous construisons au quotidien – sections, syndicats, fédérations, unions locales et départementales – pour mettre en discussion des revendications rassembleuses et convaincre de la nécessité de lutter. Porter le débat sur les modalités d’action les plus efficaces (grève prolongée, blocages, occupations) fait tout autant partie de ce travail de remobilisation. C’est bien à cela que nous devons nous atteler activement dans les prochaines semaines : pour mettre, enfin, une bonne claque à l’offensive patronale !

Théo Rival (AL Orléans)

 
☰ Accès rapide
Retour en haut