Autonomie des Universités : Le calme avant la tempête ?




Ira ? Ira pas ? Si la réforme Pécresse relative à l’autonomie des universités aura de lourdes conséquences politiques et sociales (voir notre dernier numéro), la rentrée est dominée par un climat d’hésitation de la part de certaines organisations étudiantes et de personnels. Et pourtant de nombreuses intersyndicales et assemblées générales sont organisées sur une majorité de facs à l’initiative de sections syndicales mais aussi de syndicats de lutte étudiants. C’est bien à ces derniers qu’appartient aujourd’hui la responsabilité de lancer la bataille contre le gouvernement.

Si, au début de l’été, il semblait y avoir un consensus pour rejeter la loi, aussi bien dans la forme de sa mise en place que dans son contenu, celui-ci s’est brisé dès les premiers « reculs » du gouvernement (sur la sélection en Master 1 et sur l’autonomie « à la carte »). L’Unef un des principaux syndicats étudiants, lié à l’aile gauche du Parti socialiste, s’est alors empressé de temporiser son opposition, arguant que la ligne jaune n’avait pas été dépassée par le gouvernement… Ceci alors que les conditions d’embauches des personnels vont se dégrader et que l’université est en voie de privatisation. Triste réaction, bassement corporatiste.

Une hésitation bien opportuniste

Mais celle-ci s’explique aussi par une frilosité à affronter un gouvernement récemment élu, frilosité partagée par un ensemble d’organisations de personnels qui craignent de se lancer dans une bataille qu’ils jugent perdue d’avance. Cette attitude paralysante liée à un respect maladif des institutions républicaines n’est guère étonnante de la part d’organisations qui n’ont pas su renouveler des stratégies d’action qui, dans un tel contexte, sont devenues totalement inopérantes. Afficher une opposition de principe à une loi tout en brandissant une menace d’affrontement, mais sans l’organiser, ne fera pas reculer un gouvernement sûr de ses forces et encensé par une armée de bouffons médiatiques.

Et pourtant…

Et pourtant cette attitude attentiste est loin d’être suivie au sein même des universités. En effet, depuis le début de l’été et surtout en cette rentrée, de nombreuses assemblées générales à l’initiative de syndicalistes et de personnels ont été tenues. Ainsi, à Toulouse ce sont près de 450 enseignants, chercheurs, personnels administratifs qui se sont réunis en juin pour affirmer leur opposition à la loi et organiser la mobilisation. Lors de cette rentrée, on peut signaler le même genre d’initiative sur de nombreuses universités. C’est finalement logique dans le sens où, avec l’application de la loi, nombreux seront ceux et celles qui verront leurs conditions de travail se dégrader ou qui seront tout simplement exclu-e-s des universités. Quand on a rien à perdre, on a tout à gagner. Cette volonté affichée, à la base, d’en découdre pourrait constituer le terreau d’un mouvement d’ampleur sur les universités dans les prochaines mois. Encore faut-il que les étudiant-e-s se joignent à la mobilisation.

Le syndicalisme de lutte à l’initiative ?

Le principal syndicat cogestionnaire (Unef) ne souhaitant pas se lancer dans la bataille, c’est l’occasion pour les syndicats de lutte de prendre seuls l’initiative de la mobilisation. Habitués pour la plupart à des stratégies de débordement pour animer ensuite les mobilisations, il faudra cette fois prendre les rênes dès le début. En ce sens on ne peut qu’être rassuré par les rencontres inter-organisations qui ont eu lieu depuis début septembre et où étaient présentes les organisations syndicales de luttes (Sud-étudiant, FSE, CNT et la TUUD, une tendance de l’Unef) et qui ont abouti à un appel à plusieurs initiatives courant octobre dans le but de déclencher un mouvement de grève. Si cette dynamique unitaire perdure, il est fort probable qu’elle porte ses fruits, un an et demi après le mouvement anti-LEC où ces organisations avaient démontré leur capacité à animer des mouvements de masse. Il sera néanmoins plus difficile de mobiliser sur des thèmes propres à l’université que sur le thème – plus consensuel – de la précarité.

La bataille idéologique

Si le simple dénominateur de la réforme Pécresse et de ses applications peut suffire à lancer la mobilisation, il ne suffira pas à cimenter un mouvement dans la durée. L’enchaînement de décrets et de réformes ces dernières années a produit un retard idéologique de la part des organisations étudiantes. Ainsi le mouvement pourrait être considérablement affaibli si le gouvernement décidait de le désamorcer en négociant des miettes. Si l’on peut être certain qu’une intense campagne d’information se prépare pour démonter les mécanismes idéologiques de ces réformes, il est aussi temps que le mouvement social étudiant soit porteur d’une vision cohérente des thématiques universitaires, tant dans l’analyse de la situation présente que dans un projet. Dans ce sens, on ne peut que souhaiter un travail commun des syndicats de luttes qui pourrait alors considérablement renforcer les futurs mouvements.

Tristan (AL Toulouse)

 
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