Autonomie du mouvement social : Faire plus de politique




La multiplication des déclarations hostiles à la « dérive anarcho-syndicaliste » du mouvement social, en faveur de la nécessité d’en finir avec la Charte d’Amiens, ont fleuri avant et après l’été.

Les Verts ont beaucoup donné dans cet exercice. Le PS n’en finit pas de revendiquer un droit naturel, quasi automatique à représenter le mouvement social. À l’extrême gauche aussi, cette question est toujours présente, tant la conception substitutionniste léniniste conserve des partisans. Au PCF on continue à rêver de se refaire une influence électorale sur le thème de l’expression du mouvement populaire.

Ici et là fleurissent des comités, des rassemblements politiques qui généreusement s’offrent pour représenter le mouvement social. Ce qui frappe avant tout, c’est que la question de savoir en quoi les partis politiques, les organisations, les mouvements apportent quelque chose au mouvement social, n’est pas même posée.

Or, l’apport des militant(e)s politiques au mouvement social est une question importante. Le rôle des militant(e)s ne peut être seulement de proposer de représenter le mouvement social. On comprend l’intérêt pour des courants politiques nouveaux ou anciens de s’accaparer le capital symbolique des luttes et des mouvements sociaux, pour gagner en notoriété, pour gagner de l’audience. Mais, tous ces candidats à la représentation, que pensent-ils des luttes, des contenus politiques portés par les luttes, de l’auto-organisation, etc. ?

Il faut que tout ce beau monde admette l’idée que c’est sur la seule base de leurs positions politiques propres, leurs seules capacités qu’ils peuvent avoir une légitimité politique. Et s’ils veulent reprendre des idées et des positions émises par le mouvement social, c’est là leur affaire.

Dans ce cadre, nous construisons une organisation politique qui considère que ce sont les luttes qui permettront d’abattre le capitalisme. Une organisation politique autogérée qui se bat pour l’auto-émancipation. Le combat contre les volontés récupératrices et substitutionnistes est sans doute loin d’être terminé. Beaucoup de débats et de confrontations seront nécessaires pour avancer, tant cette question renvoie à bien d’autres (ça sert à quoi un parti, une organisation politique ? Y-a-t-il un espace possible dans les institutions étatiques pour transformer la société ? C’est quoi l’anticapitalisme aujourd’hui ? etc.)

Mais ce qui avance et avance positivement, c’est l’idée de la nécessité de l’autonomie du mouvement social et celle que les luttes font de la politique. Le rassemblement du Larzac a permis de mettre en lumière ces deux points. De sorte qu’un chroniqueur comme Alain Duhamel dans Libération des 6 et 7 septembre 2003 a pu en utilisant la formule « du bon usage de José Bové », indiquer que le mouvement social porte des idées que les partis, dont le Parti socialiste, ne peuvent ignorer. Cela signifie que, sur les contenus, le mouvement social marque des points. Cette question des contenus, des projets, est une question tout à fait importante.

C’est bien en élaborant dans les luttes des perspectives anticapitalistes que le mouvement social fait vivre son autonomie de manière plus que symbolique, et sa capacité politique à peser pour transformer la société. Il y a encore beaucoup à faire, tant il y a de résistances à admettre qu’il est légitime et nécessaire que le mouvement social fasse de la politique, avance des projets, se pose concrètement la question d’un projet de transformation de la société. Les révolutionnaires, les libertaires ont naturellement à participer, au sein de mouvement social, à ce débat.

Thierry Aureliano (AL Transcom)

 
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