Benoîte Bureau (Dal) : « Seulement 7 % des demandeurs ont été relogés »




Le 31 décembre 2006, un immeuble de 2 000 m2 était réquisitionné par le Droit au logement (Dal) rue de la Banque, à Paris. En octobre 2007, c’est la rue de la Banque elle-même qui était occupée par des tentes de mal-logés. Pour cela, le mois dernier, le Tribunal de police de Paris condamnait l’association à payer 12 000 euros d’amende. Du coup, les militantes et les militants récidivent. Benoîte Bureau, du Dal, fait le point sur la situation.

Un an et 12 000 euros d’amende plus tard, est-ce que ce sont les mêmes personnes qui plantent leur tente rue de la Banque ?

Le premier campement mené rue de la banque entre le 3 octobre et le 14 décembre 2007 avait permis d’obtenir un accord écrit avec le ministère du Logement. L’État s’engageait au relogement des 374 familles qui campaient dans un délai d’un an. Mais les engagements n’ont pas été tenus : à la date anniversaire du 14 décembre 2008, 140 familles seulement ont été relogées, parmi lesquelles 70 effectivement par l’État dans le cadre de cet accord, et 70 par d’autres acteurs (mairies, bailleurs…). Malgré la répression policière et judiciaire, un nouveau campement a donc été installé, avec les familles qui n’ont pas été relogées.

Quel bilan faites-vous de la loi sur le droit au logement opposable (Dalo) ?

La loi Dalo est pour l’instant peu efficace : faute d’un nombre suffisant de logements sociaux abordables, des milliers de sans-logis et de mal-logés que l’État a reconnu prioritaires attendent un logement. Il faut savoir que si plus de 50 000 ménages ont déposé un dossier, seuls 7 % ont été effectivement relogés.

L’article 24 de la loi Boutin, dont la discussion à l’Assemblée a finalement été repoussée au mois de janvier, prévoit que les demandeuses et les demandeurs de logement franciliens puissent être relogés dans un autre département que celui où ils ont fait leur demande HLM, où ils vivent et travaillent. Si le demandeur refuse le logement qui lui est proposé, qui peut être situé par exemple à 100 km de son lieu de travail, il perd tous ses droits. En fait, le gouvernement cherche surtout des biais pour éliminer des demandeurs des listes et pour faire peser sur les mal-logés la responsabilité de l’échec de la loi Dalo.

Comment expliquez-vous le traitement différencié entre le Dal qui a reçu une amende de et les Enfants de Don Quichotte qui n’ont pas été inquiétés ?

Les Enfants de Don Quichotte ont également été poursuivis, mais la juge a été avec eux beaucoup plus clémente puisqu’elle ne leur a pas infligé d’amende. Cette différence de traitement peut peut-être s’expliquer par une volonté de diviser les associations. Quoi qu’il en soit, le Dal a fait appel de cette condamnation, qui est très grave pour plusieurs raisons. L’article de loi utilisé pour condamner le Dal parle de « dépôt d’objets qui embarrassent la voie publique ». Une telle condamnation n’est pas seulement insultante et choquante (elle assimile les gens à des ordures), elle s’inscrit dans un mouvement plus large de criminalisation de la pauvreté et de l’action militante.

On parle beaucoup de Paris, mais qu’en est-il du Dal ailleurs en France ?

Deux caravanes contre la crise du logement ont traversé la France : en octobre, de Dax à Paris, avec une manifestation d’arrivée à Neuilly, puis du Sud-Ouest à Marseille, pour rejoindre la mobilisation européenne en marge de la rencontre européenne des ministres du Logement. Cela a permis de relancer des mobilisations locales. En effet, si certains comités sont très actifs comme Lille, par exemple, où une réquisition a été organisée dernièrement. Dans d’autres zones il y a eu ces dernières années un fléchissement de la mobilisation, par exemple dans la région Rhône-Alpes. Mais il y a aujourd’hui une forte demande liée à l’augmentation de la crise du logement et à la crise sociale, et nous invitons toutes et tous les militants qui souhaitent s’investir à nous rejoindre.

Propos recueillis par
Manu (AL Paris Nord-Est), le 22-12-08

 
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