Chroniques du travail aliéné : « Je mène un groupe sur la qualité de vie au travail ! »




La chronique mensuelle de Marie-Louise Michel (psychologue du travail).

« Et le pire c’est que je mène un groupe sur la qualité de vie au travail ! », Aurélie*, directrice des ressources humaines

Je suis ingénieure informatique, mais j’avais fait un troisième cycle Ressources humaines, alors… quand mon mari a dû partir précipitamment de son ancien boulot et arriver dans la région, j’ai pris ce que j’ai pu. Ça fait 12 ans que je travaille à la DRH de cette grosse boite internationale. C’était la mise en place des 35 heures, ça les arrangeait d’avoir quelqu’un qui sait se servir des logiciels, forcément… Une charge énorme, je me levais plus tôt le matin pour finir le boulot de la veille avant d’emmener les enfants à l’école. Je me suis faite avoir sur toute la ligne et tout le monde trouvait ça normal. Vous vous dites, quand même… Et puis le plus petit a eu une bronchiolite et le plus grand a eu besoin d’une psychothérapie, j’ai demandé un temps partiel. Ils ont accepté mais sans baisser ma charge de travail, juste du salaire en moins, ça a été encore plus dense. Je travaillais au forfait, alors, vous pensez, les heures en plus… J’ai accepté, c’était juste avant le premier plan social. Enfin, un plan social, comme ils disent, c’est plutôt un plan de licenciements. Et après en une semaine il a fallu faire onze soldes de tout compte ! Mais dès le début du plan je me suis cassée la figure en arrivant le matin, fracture et ensuite une phlébite par-dessus. J’ai tout fait quand même, de chez moi. Ça a été dur, très dur, depuis. Surtout que ça a recommencé, il y a deux ans, nouveau « plan social » ! Nouvelles simulations, etc. Je ne suis jamais arrivée pour les présenter au CE, j’ai eu un accident de voiture sur la route. Failli foncer dans un mur avec mon fils à l’arrière. J’ai tout fait, encore une fois, de chez moi. Cette fois trente licenciements. Après ça ne s’est pas arrangé, ça tourne au harcèlement moral entre nous, à la DRH. Je n’en peux plus, pourtant mon mari me comprend, depuis sa tentative de suicide quand il s’est fait virer après avoir vendu sa boite à un grand groupe, il prend du recul… Mais un conflit avec mon employeur, je ne me vois pas. Et le pire c’est que je mène un groupe sur la qualité de vie au travail ! Le mot d’ordre du Président cette année, c’est « Be happy ».

* Seul le prénom est modifié, le reste est authentique.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut