Classe contre classe : un mois pour battre Sarkozy et Parisot




Depuis quelques années, la « rentrée sociale » sonne comme le souvenir lointain d’une époque où la plupart des syndicats considéraient que l’affrontement avec l’État et le patronat n’était pas une « stupidité ». Mais les choses changent et cet automne 2010 est perçu avec crainte par l’oligarchie de l’hexagone.

L’idée que c’est aux travailleurs et aux travailleuses de payer la crise du capitalisme passe de moins en moins. Et la collusion entre le grand capital et un État fait de plus en plus grincer les dents. La journée de grève et de manifestations du 24 juin, par son ampleur, a permis de mesurer la montée du mécontentement et de comprendre que personne ne souhaitait en rester là. De quoi rendre fébrile un pouvoir pour lequel la destruction du système de retraites par répartition constitue un acte politique majeur.

C’est pourquoi, comme à leur habitude, Sarkozy et ses compères ont recours au poison du racisme, pour faire diversion. Ils n’en sont pas à leur coup d’essai. En avril 2003 la colère montait déjà dans l’Éducation nationale, contre la loi de décentralisation et celle amputant les retraites. Comme par hasard, c’est à ce moment que Sarkozy s’était exprimé sur le voile islamique, présenté comme le grand problème face auquel les hommes et les femmes de progrès devaient faire bloc. Mais cette manœuvre grossière est un échec. La grève continue à s’étendre et fait des envieux chez nombre de salarié-e-s, qui songent à se joindre au mouvement. Ce n’est que dans la deuxième moitié de juin 2003, quand le spectre de la grève générale s’éloigne, que Sarkozy et Ferry relancent le fameux « débat », avec le succès que l’on sait.

Endormir et diviser par le racisme

Cette fois, Sarkozy et sa garde rapprochée ont décidé d’anticiper les difficultés. Premier acte, l’UMP se jette sur l’aubaine de la burqa comme la vérole sur le bas clergé dès l’automne 2009. Mais cela ne prend pas vraiment. Et c’est davantage le FN qui profite de la situation, à l’occasion des élections régionales. Deuxième acte, comme à chaque défaite électorale, les caciques de l’UMP, à commencer par Sarkozy, voient dans leur débâcle électorale le résultat d’un manque d’ancrage à droite. Autrement dit, il faut frapper plus fort, dans l’espoir d’impressionner les esprits et de souder leur camp derrière eux. D’où l’offensive antiroms, anti-immigré-e-s, la pénalisation des mineur-e-s délinquant-e-s et la remise en cause pétainiste des naturalisations de « Français d’origine étrangère ». Il ne tient qu’à nous de faire cesser cette farce hideuse, d’ouvrir les yeux sur le fait qu’une fois de plus les politiques anti-immigré-e-s profitent au seul grand capital.

L’audace ou l’enlisement

En cela la mobilisation du 4 septembre, dirigée contre le racisme de l’État français, constituera la première occasion de frapper un grand coup. Alternative libertaire appelle à se rassembler et à manifester avec plus de 50 organisations (même si nous n’avons pas signé le très discutable appel unitaire).

Plus qu’une mobilisation antiraciste, il faut en faire un tremplin politique et social, contre un système parasitaire et mortifère. Ce d’autant que les appels à la grève du 6 (Éducation nationale) et 7 septembre (interprofessionnel) doivent faire entendre avec encore plus de force, la colère de ceux et celles qui payent une politique socialement ruineuse, afin d’enrichir une bourgeoisie plus cupide que jamais. À noter qu’à la RATP, FO et SUD appellent les personnels à une grève illimitée, respectivement à partir du 6 et du 7 septembre.

La CNT et Solidaires, mettent au cœur du débat la question de la grève générale. C’est dans cette perspective que Solidaires a déjà déposé un préavis de grève reconductible dans la fonction publique, et s’efforce de faire émerger des appels à la grève dans le privé. Reconduction, nouvelle date de grève, week-end de manifestation les 11 et 12 septembre et demande de prise de position de l’intersyndicale nationale sont autant d’exigences formulées par Solidaires lors de la réunion intersyndicale du 23 août.

Ils ne sont pas seuls. En Loire-Atlantique FO, FSU et Solidaires ont lancé un appel dans le même sens. Et on sait que la volonté d’en découdre existe dans plusieurs équipes CGT, convaincues que l’attitude de renoncement de leur secrétaire général est absurde. Mais ces propositions ne peuvent aboutir que si les travailleurs s’en saisissent et construisent de bas en haut un mouvement qui, par sa force, peut permettre d’obtenir le retrait du projet de casse des retraites, et de balayer cette politique antisociale et raciste. Il faut donc faire des 4, 6 et 7 septembre un intense moment de propagande pour l ’unité entre travailleurs français-es et immigré-e-s, et pour une grève générale émancipatrice.

Pour une Europe des travailleurs et des travailleuses

De même, il faut utiliser la date du 29 septembre choisie par la très bureaucratique Confédération européenne des syndicats (CES) pour manifester à Bruxelles contre l’austérité, en faveur de la croissance et de l’emploi et en faire un moment de convergence des salarié-e-s du vieux continent, par la grève.

En Espagne, le 29 septembre est d’ores et déjà une journée de grève générale contre la réforme libérale du marché du travail de Zapatero. Elle a rallié aussi bien la CGT (anarcho-syndicaliste) que les Commissions ouvrières ou l’UGT (proche du pouvoir en place). Au Portugal, la CGTP appelle à une journée de lutte et de grève et en Belgique, les trois confédérations appellent à manifester massivement avec la CES le 29. Une brèche peut donc s’ouvrir dans laquelle les salarié-e-s d’autres pays seraient bien inspiré-e-s de s’engouffrer.

Les 4, 6, 7, 11, 12 et 29 septembre : voilà un agenda qui commence à avoir de la gueule… il reste donc à le remplir afin d’en faire capoter celui de Sarkozy et Parisot. Bien sûr rien n’est écrit d’avance dans un paysage syndical de surcroît dominé par un syndicalisme intégré au capitalisme. La reconstruction d’un syndicalisme de masse et de combat s’apprécie malheureusement sur un temps long et, souvent, ne permet pas de répondre victorieusement aux urgences nées des attaques du capital contre le monde du travail. Mais, périodiquement, des luttes se cristallisent et portent en elles une accélération de l’histoire. C’est ce qui s’est produit en novembre-décembre 1995. Et c’est ce qu’il faut avoir en tête en ce mois de septembre 2010.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)

 
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