Couteau entre les dents : La Grande Armée des cuisiniers




Le matin du mercredi 13 février dernier, neuf cuisiniers du restaurant La Grande Armée près de la place de l’Étoile à Paris, se mettent en grève pour exiger de la préfecture un titre de séjour en France. Ou quand le groupe de travail syndicats – sans-papiers passe à la pratique.

Sans papiers, ils ont été embauchés en toute connaissance de cause par la direction. Cuisiniers, plongeurs, barmans mais aussi chargés du nettoyage et tout cela à la fois, ces travailleurs sont les esclaves modernes de leur employeur. Sans eux, le restaurant ne pourrait pas tourner et la direction engranger de substantiels profits. En 2007 un cuisinier a travaillé 11 heures par jour pendant 4 mois sans prendre de congés et sans pause. Pour les autres, les deux jours de congés hebdomadaires sont bien souvent réservés aux heures supplémentaires, déclinaison du refrain connu « travailler plus pour gagner plus ». Ces heures supplémentaires, quand elles sont payées, le sont à part. Les plannings bougent tous les jours, parfois le matin pour l’après-midi. Pour prendre leur mois de congés payés, ces travailleurs sont obligés de démissionner. De retour au restaurant, la direction diminue leur salaire pendant deux à trois mois et leur fait signer un nouveau contrat de travail. Pendant le service, il n’y a pas de pause pour manger et quand cela est possible, cela se fait toujours debout en travaillant. L’achat de la tenue de travail est à leur charge ainsi que son lavage. Comme les autres travailleurs « sans papiers », les cuisiniers du restaurant La Grande Armée ont des fiches de paye et cotisent aux caisses d’assurance maladie, aux Assedic et à la retraite.

Soutenus dès le départ par la CGT Commerce et Droits Devant !!, des militantes et des militants de ces deux organisations occupent le restaurant permettant aux grévistes de ne pas se trouver isoler.

Les dorures pour les ouvriers

Mais au prix du mètre carré dans le quartier, pendant la grève, le petit commerce continue laissant s’installer des scènes assez étranges : des bourges, pas gênés le moins du monde, déjeunant en famille (compter 80 euros pinard compris pour un repas complet – l’oeuf coque est à 10 euros à la carte) et regardant les camarades ouvriers saucissonner (camembert, rillettes et Kronenbourg) à coté d’eux, affalés sur les canapés de velours rouge dans une déco empire toute en dorures !

Des contacts sont pris immédiatement avec la préfecture de Paris et en début d’après-midi, c’est d’abord l’Urssaf qui débarque pour contrôler la régularité des déclarations du resto. Ensuite, le défilé des journalistes sur place (parfois jusqu’à trois équipes TV en simultané) est impressionnant, d’autant que la présence de Jacques Gaillot au coté des grévistes les visites de célébrités telles que Balasko semblent beaucoup plus télégéniques que les cégétistes aux yeux des journalistes...

Pendant ce temps, les négociations pour l’obtention de titres de séjour continuent et, après 6 jours d’occupation pendant lesquels la préfecture s’évertuera à souffler le chaud et le froid, sept des neufs grévistes sont régularisés et le préfet s’engage à donner des papiers aux deux autres dans les semaines qui viennent.

Max (AL Saint-Denis)

 
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