Dico anti-technocratique : « La technoscience »




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De manière générale, on a pu considérer que les sociétés indo-européennes avaient été structurées autour d’une tripartition sociale entre les fonctions religieuses, le pouvoir militaire et les activités laborieuses. Ainsi la valeur accordée à la philosophie et à l’action politique dans la démocratie athénienne et la dévalorisation des activités d’artisanat ou laborieuses peut-elle s’expliquer par une répartition du pouvoir social où l’aristocratie athénienne est un groupe social oisif.

A partir de l’époque moderne, des bouleversements sociaux importants font émerger le système capitaliste, l’Etat moderne bureaucratique, et ce que l’on pourrait qualifier de système technocratique.
L’une des dimensions de ces transformations repose sur des changements importants de l’activité scientifique qui passe par la mise en place d’une méthode expérimentale plus rigoureuse. Cela a induit une transformation profonde de la technologie moderne qui n’est plus issue du savoir empirique traditionnel, mais de la science. C’est ce qu’on appelle la technoscience. Les conceptions de Descartes illustrent en grande partie ces transformations : la maîtrise des sciences et des techniques doivent rendre l’homme « comme maître et possesseur de la nature ». Tout ce qui n’est pas humain est pensé sous la forme du paradigme de la machine, c’est le cas des animaux qui ne seraient en réalité que des machines.
Ainsi les animaux, les machines et la nature en général sont appréhendés selon un seul rapport : ils doivent nous servir, être nos serviteurs.

Ces transformations se sont accompagnées d’une réorganisation des activités sociales ayant des logiques spécifiques. La technoscience repose sur une logique d’efficacité rationnelle. Apparaît également l’activité artistique comme un type d’activité séparé qui n’aurait de finalité qu’esthétique. Enfin, l’activité politique est chargée de décider de l’organisation désirable de la société. L’un des problèmes que dénoncent les théoriciens socialistes du XIXe, tel Proudhon, c’est la dévalorisation du travail qui vise à satisfaire des besoins vitaux au profit d’activités considérés comme plus nobles telles que la politique, la science ou l’art qui est le reflet de la hiérarchie sociale.

Ils proposent donc, par l’abolition de la division sociale du travail, de redonner à l’individu sa dimension intégrale en ne séparant plus autant activités manuelles et intellectuelles. Un autre corollaire de ces transformations implique que ce n’est plus la logique d’activité utile, mais utilitaire, qui domine le travail au sein du système capitaliste. L’activité est réduite uniquement à l’évaluation des moyens sans prendre en compte les fins. Or cette logique colonise progressivement non seulement l’action politique par le biais de l’Etat bureaucratique, mais l’ensemble de l’existence.

Irène (AL Paris Nord-Est)

 
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