Dico anticapitaliste : Qu’est-ce qu’une lutte de libération nationale ?




Chaque mois, un mot ou une expression passée au crible par Jaques Dubart

Le 4 novembre 1954, Le Libertaire, hebdomadaire de la Fédération communiste libertaire – dont AL est un peu l’héritière – affirmait son soutien à l’insurrection algérienne : « Nous ne devons pas renvoyer, dos à dos, l’impérialisme et les revendications des peuples colonisés, mais au contraire nous devons, selon l’exemple de Bakounine, nous solidariser avec les peuples soumis, contre les impérialismes. »

Pour autant, les luttes dites de « libération nationale » ne riment pas toujours avec émancipation sociale. Parfois strictement nationalistes, voire racistes, parfois bourgeoises, parfois plébéiennes, parfois liées à un projet anticapitaliste, parfois minoritaires, parfois massives et populaires, parfois tout cela à la fois, les luttes de libération nationale répondent à des réalités multiples. Qu’y a-t-il de commun entre l’insurrection en Irak aujourd’hui, celle d’Afghanistan contre l’Armée rouge puis contre l’Otan, les luttes des Kanaks en Nouvelle-Calédonie, le FLN algérien, les guerres d’Indochine puis du Vietnam, le FLNC en Corse, l’IRA en Irlande, l’ETA au Pays basque, la Tchétchénie, le Tibet, l’UCK au Kosovo, la lutte du peuple palestinien ?

Elles sont différentes en ce qui concerne les rapports de classes à l’intérieur du pays dominé. Elles diffèrent aussi sur les projets politiques défendus par les organisations nationalistes, c’est à dire sur ce qui fait qu’un combat nationaliste porte potentiellement une émancipation sociale ou au contraire qu’il porte une nouvelle forme de domination n’ayant pas grand chose à envier à celle qu’il prétend combattre. Le positionnement des communistes libertaires peut ainsi varier, d’une simple dénonciation de l’impérialisme à une solidarité politique et matérielle avec certaines organisations indépendantistes, sans nécessairement adhérer à leur projet politique. En Algérie, en 1954-1956, la FCL avait ainsi une position de « soutien critique » aux indépendantistes. L’un de ses militants, Léandre Valero, leur disait : « Vous subissez une double oppression. Nous allons vous aider à vous débarrasser de l’oppression coloniale. Mais après, ce sera à vous de vous débarrasser de l’oppression de vos propres capitalistes ! »

Même quand, comme en Algérie, des forces sociales progressistes participent au mouvement indépendantiste, les luttes de libération nationale ne sont jamais la garantie d’une émancipation des peuples. Quand de larges franges de la population se battent pour leur liberté, quand une dynamique s’enclenche et que, par ricochet, d’autres formes de domination (patriarcales, capitalistes, culturelles) sont remises en cause, l’espoir naît. Mais sa concrétisation dépendra de qui aura le leadership dans le mouvement indépendantiste : la gauche révolutionnaire ou la droite nationaliste.

 
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