Dico antiraciste : « La discrimination »




Chaque mois, un mot ou une expression passée au crible.


Étymologiquement, discriminer consiste à séparer, établir une distinction. Si toute forme de différenciation entre un individu (ou un groupe) et un autre ne constitue pas automatiquement une discrimination, les différenciations deviennent « discriminatoires » lorsque la sélection est appliquée selon des critères posés juridiquement comme illégaux.

Une discrimination est, en application de l’article 225-1 du Code pénal, une différence délictuelle de traitement en raison de l’origine, du sexe, des mœurs, de l’orientation sexuelle, de l’âge, de la situation de famille, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, des opinions politiques, des activités syndicales ou mutualistes, des convictions religieuses, de l’apparence physique, du patronyme ou en raison de l’état de santé ou d’un handicap. Un projet de loi prévu pour la fin 2010 veut ajouter à cette liste le lieu d’habitation (s’il s’agit par exemple d’une cité populaire stigmatisée). Pour pallier à ces discriminations qui dérogent aux principes formels de l’égalité républicaine, des politiques dites de « discrimination positive » ont été mises en place, surtout à partir des années 1980. Inspirées du modèle étasunien de l’affirmative action, la « discrimination positive » se présente sous la forme d’un traitement préférentiel compensatoire réservé à des catégories de citoyens considérées comme victimes de discrimination.

Cependant, les défenseurs de la discrimination positive, comme les opposants à cette démarche, ratent plus ou moins consciemment l’essentiel, parce qu’ils souhaitent uniquement s’en remettre à la correction progressive des torts subis.

Le problème politique que soulève le concept de discrimination est qu’il occulte la question de l’égalité, en la dépolitisant. L’inflation actuelle de l’usage du terme de discrimination montre que la société française est passée du stade du déni des inégalités à celui de leur dénégation. Les inégalités sont désormais moins refoulées que dispersées dans les prises en compte hyper-segmentées de la discrimination. Les dominé-e-s deviennent alors des victimes mises en concurrence dont les demandes de réparation (juridiques, économiques, symboliques) entraînent une neutralisation apolitique de l’unité des opprimé-e-s.
La discrimination n’est que le nom vertueux ou euphémique de l’inégalité. Et si l’on peut et doit toujours, ponctuellement ou localement, corriger des inégalités à coup d’inégalités (donner plus à celles et ceux qui ont moins), une politique rigoureuse de l’émancipation ne demande pas la correction des inégalités. Elle exige leur suppression totale. C’est pourquoi, dans une société inégalitaire, l’émancipation est révolutionnaire.

par la commission antiraciste

 
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