Dossier Kurdistan : DAF : « Ankara craignait une contagion révolutionnaire »




Les militant.e.s de DAF à Kobanê, le 3 octobre 2014.
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Des fonds pour la révolution !


Quand le siège de Kobanê par les troupes de l’État islamique (Daech) a débuté, à la mi-septembre, des milliers de jeunes gens ont afflué de toute la Turquie pour renforcer la défense de la ville, assurée par les YPG et les YPJ. Les militantes et les militants du groupe Devrimci Anarşist Faaliyet (Action anarchiste révolutionnaire, DAF) en faisaient partie.

DAF fonde sa stratégie sur l’action au sein des mouvements sociaux, en s’attachant à changer les choses « ici et maintenant » dans une perspective anticapitaliste, anti-étatiste, et de lutte contre toutes les formes d’oppression : patriarcat, religions, hétérosexisme, productivisme. Les membres de DAF refusent le service militaire dans l’armée turque et soutiennent les luttes des minorités nationales bafouées par le jacobinisme turc – alévis, Arméniens, Kurdes...

Le 25 septembre, vous avez réussi à rejoindre Kobanê. Pourquoi ?

DAF : En Turquie, on parle couramment du « problème kurde ». En réalité, le combat des Kurdes pour leur liberté montre que le problème, c’est plutôt l’État. A l’État et au capitalisme, le mouvement kurde oppose le pouvoir organisé du peuple.

La révolution de juillet 2012 dans la Rojava (Kurdistan syrien) a, de fait, aboli les frontières entre les gens de Syrie et ceux de Turquie. Ankara, craignant une contagion révolutionnaire, avait d’ailleurs essayé d’édifier un mur. Alors que la guerre en Syrie oppose différentes factions étatistes et capitalistes, les Kurdes ont créé un front pour la liberté réelle du peuple, en transcendant les questions de nationalité. En tant qu’anarchistes révolutionnaires, il était impossible de ne pas nous y impliquer.

Quelle forme ce soutien prend-il ?

DAF : Pour soutenir Kobanê, des « communautés de résistance » se sont organisées le long des 25 kilomètres de frontière, et notamment à Suruç. On y trouve des gens du voisinage ou venus de tous les coins de l’Anatolie et de la Mésopotamie. Ces « communautés de résistance » sont vitales pour aider les réfugié.e.s et dissuader les exactions de l’armée turque.

Des camarades de DAF ont franchi la frontière – nous ne pouvons vous révéler comment – et ont atteint Kobanê. C’est très important pour la population de la ville de sentir la solidarité révolutionnaire contre cette meute sanguinaire qui se fait appeler Daech. Les YPG sont en première ligne, et par conséquent nous essayons de les aider du mieux possible.

Quelle est votre opinion, sur la gauche kurde ? Évolue-t-elle vers des idées autogestionnaires ?

DAF : Dans les luttes populaires pour la liberté, l’anarchisme a toujours été un catalyseur. Bien avant la diffusion du socialisme d’État, bien avant la doctrine du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », les peuples se sont battus pour leur liberté, mais pas nécessairement pour un « État-nation ». Ce qui se passe dans la Rojava, comme au Chiapas, ne correspond d’ailleurs pas à une classique « lutte de libération nationale ».

Y a-t-il des traces d’anarchisme dans la gauche kurde aujourd’hui ? La question mérite d’être posée. Quand on voit son discours sur la construction d’une vie sans État, sur l’écologie sociale, et la proximité du « confédéralisme démocratique » avec la démocratie directe, on peut se demander s’il n’y a pas là l’intériorisation d’un certain anarchisme.

Propos recueillis le 3 octobre 2014
par Guillaume (AL Montreuil)
et Marc-Antoine (AL Paris nord est)

 
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