Echanges de Tribunes : AL-Alternatifs




Dans le cadre d’un dialogue entre anticapitalistes, Alternative libertaire a proposé un échange de tribunes à plusieurs organisations que nous pouvons côtoyer dans les luttes : la Fédération anarchiste (FA), la Coordination des groupes anarchistes (CGA), le réseau No Pasaran, la LCR et les Alternatifs. Seuls ces deux derniers ont répondu positivement. La FA a déclaré ne pas pouvoir décider pour son hebdomadaire le Monde libertaire. Le Monde libertaire n’a pas répondu à notre invitation. La CGA n’a pas souhaité s’exprimer dans ce cadre. No Pasaran n’a pas encore répondu.


PREMIÈRES VAGUES

Tribune des Alternatifs dans Alternative libertaire

Les grèves dans les secteurs des transports ou de l’énergie, comme dans les universités, ont manifesté à la fois des potentialités de résistance sociale et la difficulté à globaliser et inscrire les mobilisations dans la durée. En même temps, le pouvoir à été en mesure de camper sur ses positions, et d’imposer pour l’essentiel ses contre-réformes.

Le projet et la stratégie de la droite sont clairs : faciliter la mise aux normes du capitalisme productiviste financiarisé, démanteler les acquis de l’état-providence, accompagner la marchandisation généralisée, accen- tuer les aspects autoritaires et répressifs du système, exacerber les divisions au sein des couches populaires.

Le silence au mieux, l’alignement au pire, du PS est un deuxième élément fort de la période. Pour autant, les aspirations antilibérales voire anticapitalistes sont loin d’avoir disparu, mais ne parviennent pas à converger à une échelle large, sur le plan social comme sur le plan politique.

Unité

Les convergences sociales sont une première priorité. De ce point de vue, les luttes pour les droits sociaux et démocratiques des sans papiers ne peuvent séparer des exigences humanitaires immédiates et la solidarité avec un secteur du monde du travail en première ligne face à la précarisation. Les grèves dans des secteurs comme celui des transports posent d’emblé la question d’une jonction aves les « usagers », question qui ne peut se régler seulement sur le mode de la solidarité au sein du monde du travail, mais implique un important travail d’explication, et une réflexion sur les formes de luttes.

Au delà, les batailles à venir pour les services publics ne peuvent déboucher que si elles s’appuient sur un projet à caractère autogestionnaire, portant à la fois sur leur dimension sociale et écologique, et reposant sur l’intervention de leurs salarié-e-s et des usagers.

La lutte contre la précarisation généralisée doit être au cœur de nos propositions et interventions. L’insuccès de la manifestation des chômeurs du 8 décembre est un signal d’alerte, car les secteurs combatifs restent principalement ancrés dans le salariat encore « garanti » du secteur public.

Auto-organisation

L’auto-organisation est la mise en pratique d’une stratégie autogestionnaire, elle a été un point fort des mobilisations étudiantes et des secteurs des transports. Dévoyée lorsque les militants d’« avant-garde » se substituent aux « bureaucraties syndicales » pour la diriger, elle est le socle indispensable de la repolitisation et de l’indépendance du mouvement social, et la condition de la globalisation et de l’inscription des luttes dans la durée.

Notre projet d’émancipation passe par la construction de l’unité des dominé-e-s et exploité-e-s, la lutte contre toutes les régressions sociales, et les mobilisations collectives du précariat et du salariat. Il doit s’appuyer sur une présence critique au sein des institutions locales, et la construction de cadres politico-sociaux permanents, par exemple pour défendre les services publics.

Guerre de position et « révolution longue »

Il ne peut se passer de la mise en place conjointe de modes de production, de consommation, de travail et d’organisation alternatifs. La réalisation au niveau individuel et collectif d’une société qui réponde à nos principes d’écologie, de solidarité et d’autogestion est nécessaire.

Il s’agit donc de mener de front la lutte contre l’exploitation capitaliste, le règne de la marchandise, et une construction alternative continue. Ce projet s’inscrit dans un combat altermondialiste global. Le fil conducteur de cette orientation est l’autogestion, comme moyen, chemin et but.


ANTICAPITALISTES : FAISONS FRONT

Tribune d’Alternative libertaire dans Rouge et Vert

Avec le mouvement étudiant de l’automne et les grèves pour la défense des régimes spéciaux, le pouvoir sarkozyste a essuyé sa première salve de contestation. La résistance sociale n’a pas été assez forte. Le PS, qui pensait pouvoir surfer dessus pour sortir des oubliettes, reste hors jeu.

Nous avons affaire à un gouvernement qui mène non seulement un combat de classe, mais aussi un combat idéologique pour populariser des valeurs qui ne sont autres que celles du darwinisme social : que les forts écrasent les faibles, et l’ordre naturel sera respecté. Face à ce discours, la social-démocratie est paralysée, incapable qu’elle est de se différencier suffisamment pour espérer incarner une alternative.

Nos responsabilités

Cette situation confère aux anticapitalistes des responsabilités disproportionnées par rapport à leurs capacités actuelles. D’un côté il s’agit d’être moteurs dans les mouvements sociaux pour organiser la riposte. D’un autre côté il devient crucial de mener un combat authentiquement idéologique pour légitimer la résistance sociale et lui donner un sens bien plus noble que le « conservatisme » dont les médias libéraux voudraient exclusivement les taxer. L’enjeu pour les anticapitalistes des diverses tendances, c’est de faire front pour remettre la question de la transformation sociale au centre du débat politique.

Il faut aussi poser la question des revendications intermédiaires (par exemple : la réquisition des logements vides, des emplois, des entreprises qui ferment, la liberté de circulation des travailleuses et des travailleurs...) qui feront le lien entre les mesures d’urgence et le socialisme de demain. Un socialisme que nous souhaitons autogestionnaire, sans classes sociales et sans pouvoir séparé de la société – donc sans État – mais qui pour beaucoup d’exploité-e-s constitue encore une utopie. Sur un certain nombre de revendications intermédiaires, les anticapitalistes devraient pouvoir parler de concert.

Pour l’autonomie du mouvement social

Certaines forces politiques pensent que la question du projet de société ne peut être posée qu’indirectement, par la médiation d’un parti qui les représenterait dans les médias et dans les institutions.

Nous pensons au contraire que, pour qu’elle prenne une tournure subversive, elle doit être portée par les mouvements sociaux eux-mêmes, en opposition à ces institutions. Des illusions véhiculées par Mitterrand à celles de Lula au Brésil, l’immixtion du mouvement social dans les institutions a historiquement toujours été contre-productive. Pour cette raison encore, en mai 2007, des militantes et des militants communistes libertaires des mouvements sociaux avaient regretté publiquement la candidature Bové [1].

Cette idée qu’on peut renverser le capitalisme doit se répandre, pour redonner un sens aux luttes collectives. Et la conflictualité sociale doit s’élever pour donner une crédibilité à cette idée. Car c’est dans les luttes qu’elle prendra corps, qu’elle cristallisera autour d’elle cette « gauche de la rue » aujourd’hui bien réelle, vivante mais dispersée.

[11. Nicolas Dreyer, Jean-Luc Dupriez, Clotilde Maillard, Thierry Renard, Jean-Emile Sanchez, « La fausse bonne idée de la candidature Bové », sur Liberation.fr, également archivé sur cette page

 
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