Échos d’Afrique : Djibouti, base militaire et compromissions




La France est relativement peu présente à l’Est du continent africain, sa zone d’influence économique et diplomatique étant principalement en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Cependant, la corne de l’Afrique abrite la plus grosse base militaire française du monde dans un tout petit pays  : Djibouti.

À proximité du Moyen-Orient, au niveau du débouché de la mer Rouge, ce territoire a un positionnement terriblement stratégique (contrôle du transport de pétrole, surveillance et opérations du Moyen-Orient, d’Afrique de l’Est, de l’océan Indien).

Si l’armée française y est présente depuis l’indépendance de 1977 (ou plutôt depuis la conquête coloniale en 1884), l’État djiboutien a désormais ouvert son territoire à d’autres armées  : États-Unis (2002), Japon (2011), Italie et Chine (2017) et bientôt l’Arabie saoudite.

Les quelques 800 000 Djiboutiens sont sans doute ravis de voir autant
de treillis internationaux apprécier leur pays et son cher dictateur, Ismaël Omar Guelleh (IOG). Afin de garder son pouvoir conquis il y a 20 ans, IOG n’hésite pas à user de violence à l’égard de sa population et des opposantes et opposants réels ou présumés  : torture, répression à balle réelle des manifestations, arrestations arbitraires d’opposantes et opposants… Le régime ne recule devant rien pour imposer la terreur d’État et conserver le pouvoir.

Si des Djiboutiennes et Djiboutiens mécontents cherchaient du soutien pour mettre fin à ce régime despotique, ce n’est sans doute pas vers la France qu’ils se tourneraient. En effet, celle-ci s’illustre une nouvelle fois par sa compromission avec un régime sanguinaire mais qui préserve les intérêts hexagonaux  : en l’occurrence la base militaire qui a servi à plus des deux tiers des interventions françaises en Afrique depuis les années soixante. Cette base est certes en forte diminution d’effectifs (1 450 aujourd’hui contre plus de 5 000 il y a quelques années), mais elle reste un élément essentiel du maillage militaire français en Afrique et dans le monde.

Aussi, pour ne pas se mettre à dos IOG qui joue déjà sur la concurrence étrangère, l’État français lui assure son soutien  : dernièrement, la visite d’Emmanuel Macron début mars, et la convocation par la justice française, fin janvier, de Mohamed Kadamy, opposant historique poursuivi par le régime.

Autre symbole de compromission  : l’affaire Borrel. Cette affaire qui remonte à 1995 est emblématique des coups bas de la françafrique  : un juge gênant est assassiné, déclaré suicidé en dépit de nombreux éléments troubles, et le dossier s’embourbe au plus haut point dans les méandres de la justice française et de ses procédures  ! Documents classés secret-défense, enquêtes mal orientées, subornation de témoins, reports et appels, jusqu’à la perte de dossier dans les bureaux des juges d’instruction  ! L’affaire ne sera probablement élucidée qu’après la chute ou la mort d’IOG. Que ne ferait-on pas pour préserver notre base...

Noël Surgé (AL Carcassonne)

 
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