Élections à la SNCF : Pas de recul, mais des défis à relever




Malgré l’accumulation de défaites sociales depuis les précédentes élections, en 2015, les syndicats jaunes ont échoué à percer au scrutin qui s’est déroulé du 16 au 22 novembre, et les syndicats réfractaires se maintiennent. Cependant, il va bien falloir repenser l’ensemble des pratiques militantes pour pallier la réduction drastique du droit syndical.

Les élections professionnelles qui ont eu lieu en novembre à la SNCF, venaient trois ans après les précédentes ; une période marquée par de nombreuses grèves locales, deux longues grèves nationales (2016 et 2018), la déstructuration de l’entreprise publique, l’accélération des privatisations, l’adoption de la loi ferroviaire, la fin du Statut du personnel SNCF au profit d’une convention collective du secteur sous le sceau de la régression sociale, des dizaines de suicides…

Patrons et gouvernement tablaient sur une forte progression de l’UNSA, plus encore de la CFDT, et sur un affaiblissement de la CGT et de SUD-Rail. Il est vrai que le couple UNSA/CFDT leur a bien rendu service ces trois années : en cassant ouvertement la grève de 2016, en signant plusieurs accords catastrophiques (temps de travail, intéressement, salaires,…) ; plus finement en 2018, en servant d’appui à la stratégie perdante décidée par la CGT des « 2 jours sur 5 » qui ont empêché un mouvement basé sur des assemblées générales massives et démocratiques. [1]

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Les conditions d’organisation du vote favorisaient UNSA et CFDT : la systématisation du vote électronique induit une participation plus forte de l’encadrement où ces deux organisations font le plein de voix, moins forte dans le collège Exécution, notamment dans certaines catégories qui ne travaillent pas avec ces outils informatiques. La participation (66,7%) est en baisse de 1,95 par rapport à 2015, mais avec des inégalités importantes : 60,35% pour l’exécution, 70,63% parmi les agents de maîtrise, 75,26% chez les cadres. Par ailleurs, en trois ans, les effectifs ont chuté fortement dans le premier collège, un peu moins dans le deuxième et augmenté dans le troisième.

Malgré toutes ces aides, l’UNSA fait +0,10 et la CFDT -0,85. Le retour de listes CGC [2] a sans doute légèrement mordu sur leur électorat, mais leurs scores montrent qu’il n’y a aucune dynamique en leur faveur dans l’entreprise, contrairement aux espoirs de la direction. Surtout, ces deux organisations sont bien loin des 50% permettant dorénavant de valider les accords. C’était là le cœur de la propagande et des espoirs patronaux ; en plus du sempiternel couplet sur « la montée des syndicats constructifs » que beaucoup s’apprêtaient déjà à décliner sur tous les tons.

Repenser l’action de terrain avec des moyens réduits

Paradoxalement, la stratégie patronale du vote électronique a permis à nombre d’équipes CGT et SUD-Rail de montrer qu’elles savaient toujours pratiquer un syndicalisme de terrain, quotidien, au plus près des collègues. Alors que les chiffres sur la participation montraient un retard bien plus important du collège exécution [3], elles ont su aller chercher le vote de milliers de collègues travaillant sur des sites éloignés, en 3x8, de manière isolé… Energie, sens de l’organisation et dynamiques forts utiles pour bien d’autres tâches syndicales !

La CGT baisse de 0,31 ; tandis que SUD-Rail augmente de 0,45. Les évolutions sont minimes ; en matière d’élections professionnelles, hors moments très exceptionnels, elles se mesurent sur un temps long. CGT, SUD-Rail et FO représentent 58,93% des voix, tout collège confondus ; et 79,90% parmi le personnel d’exécution. Au-delà des désaccords qui opposent ces organisations sur certains sujets (dont certains d’importance), on peut affirmer que, contrairement à leurs ambitions, Pepy et sa clique n’ont pas brisé le syndicalisme cheminot.

33 Comités sociaux et économiques remplacent 31 Comités d’établissement (CE), 600 Comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT) et 262 Délégations du personnel (DP) ; sans parler de diverses instances statutaires également passées à la trappe. On ne pleurera pas forcément sur le temps de réunion inutile qui pourra ainsi être consacré à de l’action syndicale directe : dans les services et pour organiser l’interpellation des patrons sans forcément attendre « la prochaine réunion de DP dans un mois » ou « le CHSCT dans trois mois ». La négociation concernant la mise en place de « délégué.es de proximité » ne sera pas neutre sur ce plan. La forte réduction du droit syndical est bien sur une reconquête patronale et il faut la combattre ; mais la remise est à plat que cela va nécessiter, peut aussi nous obliger à définir politiquement nos priorités syndicales et à s’y tenir : quelle répartition du temps militant entre institution représentative et présence sur le terrain ? Quels moyens mettre, vraiment, pour l’interprofessionnel quand on se réfère à la grève générale … ou plus modestement à la nécessaire solidarité ouvrière ? Quels rapports entre les gestionnaires de CSE et les salarié.es de ces comités, lorsqu’on se revendique d’un syndicalisme de transformation sociale ? Quels outils communs inventer pour débattre de positions différentes entre nos organisations syndicales [4], tout en construisant un mouvement unitaire reposant sur une pratique syndicale de masse et des assemblées générales où chacun et chacune s’exprime ?

Le Rail Déchaîné, blog rouge & noir du secteur ferroviaire.

[1Lire Alternative libertaire d’avril à août 2018 et Le Rail déchaîné.

[2Lors des dernières élections, la CGC avaient fait liste commune avec FO. Par ailleurs, historiquement, la CGC n’a jamais été implanté au sein de la SNCF : la Fédération autonome des cadres (FAC), devenue Fédération Maitrises et Cadres avant de s’affilier à l’UNSA a toujours eu une place prépondérante dans l’encadrement de l’entreprise.

[3Le scrutin se déroulait du 16 au 22 novembre ; les organisations syndicales et la direction avaient accès aux taux de participation durant tout ce laps de temps.

[4Parfois au sein d’une même organisation, comme l’a montré le mouvement du printemps 2018.

 
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