Équateur : Une constitution « socialiste » ?




Au suivant ! Encore un pays d’Amérique Latine qui vient d’adopter une nouvelle constitution. Après le Venezuela de Chavez, la Bolivie de Morales, c’est au tour de l’Equateur de Correa de décider de réaliser le socialisme par la voie constitutionnelle.

L’Équateur compte 70 % de pauvres et l’élection du socialiste Correa en 2006 a suscité énormément d’espoir. Mal latino-américain s’il en est, le réflexe du nouveau président pour montrer à ses concitoyens qu’il prenait en main l’avenir du pays a été de faire élire en octobre 2007 une assemblée constituante destinée à rédiger une nouvelle constitution, la 19e depuis l’indépendance du pays en 1822. But affiché du nouveau texte : réduire les inégalités, éliminer la partitocratie, se réapproprier les ressources pétrolières, refonder le socialisme. Tout comme Chavez ou Morales, Correa croit que c’est en réformant la constitution que les choses changent.

Une constitution populaire

Il est indéniable que Correa vient de remporter un test de popularité avec plus de 64 % des suffrages exprimés en faveur de la nouvelle constitution. Le texte tranche avec ce que les juristes ont l’habitude de voir : il mêle le désir de construction d’un monde multipolaire, la réconciliation de l’être humain avec la nature, la philosophie ancestrale du sumak kawsay (le bon vivre), avec des réformes sociétales comme la mise sur un pied d’égalité de la justice indigène avec la justice ordinaire, l’union civile entre deux personnes sans importer leur sexe, l’imprescriptibilité des crimes de génocide et contre l’humanité, la gratuité de la santé et de l’éducation.

Pour les mouvements indigènes c’est un premier pas vers la vraie révolution. Sa forte connotation sociale lui a assuré un appui sans failles parmi les plus pauvres et les plus démunis, les vieillards, les femmes enceintes, les enfants, les handicapés, les malades, les déplacés et prisonniers qui sont désormais protégés par la constitution.

Autre réforme constitutionnelle qui fait trembler la bourgeoisie : la Banque centrale perd son autonomie et se transforme en simple gérante des décisions de l’exécutif. Cela, ajouté à la mainmise de l’État sur les secteurs-clefs de l’économie, a suffi à faire courir le bruit de nationalisations massives et d’expropriations. On sait s’amuser en Équateur.

En trompe l’œil

Bolivie, Équateur et Venezuela possèdent donc dorénavant une nouvelle constitution censée refonder la république autour d’un socialisme nouveau, dégagé des scories idéologiques et des écueils passés. Cette volonté de Correa de disposer de nouveaux pouvoirs n’est pas sans rappeler les efforts d’un Chavez ou d’un Morales pour faire croire à leur base populaire que c’est par en haut que les choses changent. Aujourd’hui, même si les critiques émanent de la droite réactionnaire et des possédants, nous assistons à une hyperprésidentialisation du pouvoir en Équateur : le pouvoir de l’État sur l’économie est consacré par la constitution, en lui réservant la « planification du développement », le président pourra se représenter pour un second mandat et dissoudre l’assemblée, choses qu’il ne pouvait faire auparavant.

L’affolement des classes dirigeantes fait toujours plaisir, mais il ne faut pas se cacher derrière l’argument qu’une nouvelle constitution et un président charismatique permettent le changement. Que cela soit en France en 1981, au Brésil avec Lula en 2003, au Venezuela avec Chavez et ses réformes « bolivariennes », à aucun moment l’alternance n’a permis de redistribuer aux travailleurs et travailleuses les fruits de leur travail. La Bolivie est en train de se réveiller difficilement du phénomène Evo Morales : ce n’est pas parce que l’on est ancien syndicaliste et indien que l’on résout les problèmes des plus pauvres et des plus démunis. Seules les luttes sociales peuvent porter l’espoir et le changement. Aujourd’hui plus que jamais, l’indépendance et la force du mouvement social, en France, en Amérique latine et dans le monde, sont des conditions impératives pour faire plier les puissants. Un genou à terre ce n’est pas suffisant, nous ne pourrons nous reposer que quand ils seront allongés, les deux épaules au sol.

« Place à ceux et celles qui luttent », comme disent les Sud-Américains : ¡ Arriban los que luchan !

Valentin Frémonti (AL Toulouse)

 
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