États-Unis : M1 au pays des capitaux, des libertaires chez l’oncle Sam




First of May Anarchist Alliance – ou plus vite dit M1 – a été créé à l’occasion du 1er mai 2010 aux États-Unis. Formée à l’origine de groupes affinitaires réunis autour de projets militants, M1 est aussi membre d’Anarkismo. Sur fond d’analyse du mouvement Occupy, elle présente ses positions.

« Lève-toi/ Ce système il faut le renverser/ Tu devrais en avoir marre/ Renverse le système/ Lève-toi ! », chantait le MC Boots Riley, du groupe militant The Coup appellant à la grève générale et à la fermeture des ports le 12 décembre 2011. Le mouvement Occupy a engendré une escalade des formes de résistance au système : grèves, blocages de port et actions directes. Si les manifestations de masse dans les villes étasuniennes ne reflètent pas toutes la pratique et les idées du mouvement, elles expriment bien un réel potentiel d’élargissement et d’évolution de la critique de classe et de l’État. Anticapitalisme, anti autoritarisme, actions collectives innovantes et expérimentales font partie de ces nouveaux mouvements. Depuis leur tout début, anarchistes révolutionnaires, radicaux d’extrême gauche, anticapitalistes et syndicalistes libertaires – tels les IWW – se sont impliqués dans les AG, les comités et la résistance active.

Dans le webzine libertaire The Utopian, nous déclarions : « Nous pensons qu’il est crucial pour tous les anarchistes de participer à ce mouvement et de travailler à le construire. Nous pensons qu’il est également essentiel de promouvoir explicitement les méthodes libertaires de lutte et notre projet social anti-autoritaire. Nous encourageons tous les groupes, formels ou informels, à reconnaître qu’il est besoin d’un minimum de coordination, et que, dans les moments critiques, la concentration de nos forces est nécessaire. Faute de quoi, faiblesse et désorganisation feront que nous passerons à côté des événements, sans pouvoir répondre à des attaques contre l’autonomie du mouvement… » [1].

Nous avons voulu fonder M1 sur quatre principes. L’engagement révolutionnaire, une orientation « lutte des classes », un anarchisme non doctrinaire, une approche organisationnelle non sectaire et « plurielle ».

Quatre grands principes

On retrouve ces principes dans notre manifeste [2] qui décrit les points communs et divergences que nous avons avec d’autres organisations révolutionnaires de tradition anarchiste. En Amérique du Nord, c’est l’insistance sur la stratégie qui nous distingue d’autres mouvements, d’autant que nous agissons à partir d’une solide base d’activisme, estimant que l’unité tactique et théorique découlera de la pratique plutôt que de procéder d’un programme abstrait moins éprouvée par le terrain.
Sans nous contenter de créer des réseaux informels, nous favorisons la création d’une fédération libertaire fondée sur l’élargissement des luttes existantes et de la réflexion sur les questions sociales. Les termes « non sectaire » et « plurielle » désignent une approche de type plateformiste avec la double intervention dans les luttes sociales et par le travail syndical.

Qu’elles soient syndicalistes (IWW), antifascistes et antiracistes, ou d’action directe (tels Steel City Solidarity [3]), le rôle des organisations libertaires est de contribuer à construire les mouvements populaires, de préserver leur qualité de démocratie directe et participative, de faire émerger la contestation du système.

Des espaces ouverts

La vague de protestation mondiale ouvre un espace concret pour toutes les organisations libertaires directement impliquées dans les mouvements Occupy et anti-austérité : MAS (Miami), WSA (Workers’ Solidarity Alliance, anarcho-syndicaliste), Common Struggle/Lucha Común (ex Nefac), Union communiste libertaire (Québec)…
Nous ne pensons pas que la protestation actuelle se pose comme un contrepouvoir massif au système. En revanche, le sentiment qu’il existe des opportunités politiques et sociales en dehors du système de domination généralisé, est grandissant.

Les éléments qui pourraient préfigurer le développement d’une alternative radicale sont là.Toutefois, il y a bien des risques et des défis devant nous. Anarchisme et gauche radicale sont encore minoritaires et manquent de ressources, d’infrastructures et d’effectifs. Et tandis que nos mouvements et leur base croissent et s’élargissent, la lutte qui s’annonce sera encore plus exigeante.

Risque de récupération

Initialement, le très populaire phénomène Occupy était un pot-pourri de tensions, de factions politiques, parcouru d’éléments antisociaux sapant la cohésion politique et organisationnelle, au moins localement.

Le concept demeure pourtant populaire et dynamique, et est appelé à durer. Mais c’est aussi ce qui rend Occupy attirant pour certaines factions de la classe dominante (notablement le parti démocrate). Par exemple, la très puissante Union internationale des employés des services (SEIU) s’emploie à brouiller les pistes : elle profite de la grande journée d’action contre l’austérité et de solidarité avec Occupy (17 novembre 2011) pour coordonner simultanément des actions dans plusieurs villes. Le SEIU est l’un des plus gros syndicats étasuniens, associant organisation descendante, approche corporatiste et stratégie électoraliste clairement de droite [4].

À Detroit, ils avaient prévu de fermer et d’occuper un pont dans le cadre de leur campagne Good Jobs Now. Ils ont fait passer l’événement pour une action « Occupy Detroit », sans aucune concertation entre les deux mouvements et alors qu’ils avaient clairement interdit aux organisateurs d’Occupy de s’approcher de leur propre cortège. Idem à Chicago et partout ailleurs. De là à penser que ces bureaucraties syndicales cherchent à dévoyer la stratégie des « 99 % »…

Ce qui veut se faire passer pour un réformisme militant, « de la base », via occupations, campagnes de relogement, blocages de ponts et routes, quelques arrestations… vise surtout à attirer tous ceux que l’actualité a commencé à politiser et qui souhaitent s’impliquer. Pour beaucoup, au niveau tactique, ces actions sont difficiles à discerner de ce que font anarchistes et extrême gauche. La différence est que ces centrales syndicales veulent récupérer, contenir, et au final, canaliser ce mouvement pour que d’une manière ou d’une autre il profite au candidat Obama et à ses Démocrates. Nous, nous voulons faire émerger des formes de politique indépendantes, créatives, pour saper la légitimité même du système.

1st of May Anarchist Alliance (traduction Cuervo)

Pour en savoir plus sur notre organisation sœur aux EU : http://www. m1aa.org

[1The Utopian d’octobre 2011, http://www.utopianmag.com/

[2« Our Anarchism », http://m1aa.org/

[3Steel City Solidarity est une émanation d’un syndicat local canadien de la fonction publique CUPE (Canadian Union of Public Employees), s’étant donné pour mission le travail auprès des précaires, notamment ceux qui ne sont pas soutenus par les syndicats « traditionnels », http://www.steelcitysolidarity.com

[4e SEIU a été l’un des plus gros contributeurs financiers de la campagne d’Obama (28M$), tout en se revendiquant héritiers de ML King…(NdT)

 
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