Faucheurs volontaires : « Les OGM ? C’est du racket en bande organisée ! »




L’été dernier, un groupe de 32 faucheurs était interpellé par la gendarmerie territoriale du Loiret. En mars dernier, leur procès se déroulait à Orléans. Lucien Gorvan, producteur de pommes biologiques dans le Finistère quelques jours avant le délibéré, était un des co-inculpés.

Alternative libertaire : Comment s’est déroulée l’arrestation qui t’as amené au tribunal ?

Lucien Gorvan : Nous nous sommes regroupés à Villereau (Loiret) pour faucher un champ d’OGM. La gendarmerie était présente, et nous avons été conduits en garde-à-vue immédiatement après l’action. Pour ce qui me concerne, les conditions étaient correctes, mais je ne m’étais pas préparé au prélèvement d’ADN. Je ne savais pas quelle position adopter et j’ai accepté de m’y soumettre. C’était une belle connerie ! J’ai été libéré après quelques heures passées dans les locaux de la gendarmerie. D’autres considérés comme « réitérants » sont restés beaucoup plus longtemps.

Alternative libertaire : C’était ta première action. Quelles sont les raisons qui t’ont mené à devenir Faucheur volontaire ?

Lucien Gorvan : Mon parcours de paysan ; j’ai travaillé pendant des années en Afrique comme coopérant. J’ai vu comment les multinationales entretiennent le colonialisme et la dépendance des pays du Sud. Ce qui se passe là-bas a des conséquences dramatiques sur les populations et le développement économique. Je suis rentré écœuré. Je voulais pratiquer une agriculture à taille humaine, respectueuse de l’environnement. C’est par cohérence que j’ai développé ce verger en agriculture biologique. C’est aussi par cohérence que je fauche.

Alternative libertaire : Pour toi, quels sont les enjeux soulevés par les cultures OGM ?

Lucien Gorvan : D’abord, je pense à l’enjeu démocratique pour les populations. En contrôlant de A à Z les semences, quelques multinationales comme Monsanto, Lima grain, Syngenta ou Pioneer rendent les paysans complètement dépendants de leurs fournisseurs. Il est impossible de semer les grains récoltés car ils sont stériles. C’est du racket en bande organisée ! Et puis il y a les questions de santé. La consommation alimentaire de produits OGM est dangereuse pour la santé : le Pr Séralini a renouvelé une expérience de Monsanto sur des rats. En quelques semaines, les individus consommant du soja OGM présentaient des dysfonctionnements du foie et des reins.

L’enjeu environnemental est explosif. Dans les pays où les OGM sont cultivés massivement, on assiste à une croissance de la consommation de pesticides. Il y a aussi une perte de la biodiversité. Car si les grains OGM sont stériles, les fleurs peuvent contaminer les cultures non OGM par reproduction sexuée. Les variétés traditionnelles vont ainsi acquérir des gènes bricolés. Il n’y aura alors plus de retour en arrière possible.

Enfin, je pense à l’enjeu éthique. Doit-on modifier le vivant ? Peut-on breveter le vivant ? Ces questions concernent les générations futures. C’est donc la population qui doit décider et pas la sphère économique.

Bientôt, ces entreprises auront une mainmise totale sur l’alimentation mondiale alors que toutes ces questions sont du ressort de la société civile. Or quand la population montre son opposition, les politiciens passent en force. Il ne nous reste plus que les actions de fauchage et les procès de faucheurs pour mettre la question du moratoire des cultures d’OGM sur le tapis.

Alternative libertaire : Quel est ton sentiment sur le procès ?

Lucien Gorvan : Le procureur a dressé un réquisitoire très dur. Il a parlé d’une « opération commando d’un groupe d’individus obscurantistes ». Il a conseillé aux Bretons de rester « chez eux ». Le président du Syndicat de la magistrature a dénoncé le fichage et le procureur l’a accusé de sortir de son devoir de réserve. On risque de 4 mois avec sursis, 1 500 euros d’amende et un an de suspension des droits civiques à 6 mois dont 3 fermes, 3 000 euros d’amende et 2 ans de suspension des droits civiques pour les « réitérants » qui ont refusé le prélèvement d’ADN.

Alternative libertaire : Tu comptes poursuivre ce combat ?

Lucien Gorvan : Je me passerais bien de tout cela, mais on n’a pas le choix, le combat continue.


Propos recueillis par Erwan (AL Finistère)

 
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