Gard : Quand les saisonniers se révoltent




Dans le Gard, des ouvriers agricoles latinos se mobilisent contre leur patron qui refuse de payer leurs arriérés de salaire. Leur mobilisation dévoile des conditions de travail jusqu’alors soigneusement cachées par des exploitants agricoles qui n’ont jamais si bien porté leur nom.

D’après la Confédération paysanne, il y aurait, de Marseille jusqu’aux Landes, plus de deux mille ouvriers agricoles latinos (colombiens, équatoriens, péruviens et boliviens) recrutés, pour la plupart, par une agence d’intérim espagnole, Terra Fecundis. Ce recrutement rend d’ailleurs toute revendication salariale compliquée. Si les saisonniers entendent faire respecter leurs droits (paiement des salaires et notamment des heures supplémentaires), ils doivent se tourner vers Terra Fecundis car l’exploitant agricole pour qui ils travaillent s’en lave les mains ; il paye un forfait à Terra Fecundis, le reste (salaires, couverture sociale et médicale) ne dépend pas de lui. Pratique.

Terra Fecundis paye en général ces saisonniers à leur retour en Espagne après leur session d’intérim sur une exploitation en France ou ailleurs. L’agence facilite aussi des prêts pour les saisonniers qui achètent une maison en Europe ou dans leur pays d’origine. Avec un prêt immobilier, le saisonnier est pieds et poings liés, contraint d’accepter toutes les missions imposées par Terra Fecundis.

Guantanamo version campagne gardoise

L’exploitation agricole où travaillent les latinos embauche deux cents saisonniers. Sur leur contrat de travail, l’exploitant a beau avoir stipulé qu’il « héberge à titre gracieux  » ses salariés, ces derniers lui payent mensuellement un loyer de cent euros de la main à la main. Ce qui fait un revenu confortable non déclaré de 20 000 euros par mois pour l’exploitant…

L’un de ces saisonniers, qui a longtemps travaillé dans les serres de la région d’Almeria, estime qu’« ici c’est encore pire  ». Au point que les saisonniers appellent eux-mêmes le campement où ils travaillent Guantanamo. La plupart dorment en mobil-home, d’autres dans des baraquements en dur, d’autres à même le sol ou dans leur voiture. On compte une machine à laver et une cuisine pour vingt ouvriers. Il n’y a pas d’eau chaude et pas de chauffage l’hiver. Après une heure de transport (non payée bien sûr) vers les champs d’abricotiers, de vignes ou de pêchers, le travail est intense de 6 h à 19 h avec une pause d’une demi-heure par jour. Les exploitants (père et fils) veillent et si, par malheur, un saisonnier oublie de cueillir les fruits sur une branche, il n’est pas rare qu’ils lui retirent une heure de travail. Les salaires vont jusqu’à 1 400 euros mensuels, mais les heures supplémentaires sont la plupart du temps oubliées sur la fiche de salaire. Ne parlons pas des accidents et risques du travail.

Ce qui rend difficile tout travail syndical, et plus généralement de résistance coordonnée des saisonniers, c’est le va-et-vient incessant sur l’exploitation. Toutes les semaines, des ouvriers sont virés et aussitôt remplacés. Mais cette fois, des saisonniers sont venus rencontrer des militants syndicaux, et n’entendent pas se laisser faire, même s’ils se retrouvent à la rue, parce que leur patron leur doit encore de l’argent.

Jérémie (AL Nîmes)

 
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