Grèce : Trouver un second souffle




Les braises de la révolte de décembre sont encore chaudes, mais pour contrecarrer la normalisation en cours, le mouvement de contestation doit se donner de nouveaux objectifs.

Après l’insurrection de décembre (lire AL de janvier), les fêtes de fin d’année ont vu la levée des principales occupations (École polytechnique, École de droit et École économique, siège de la Confédération générale des travailleurs, lycées), dans la perspective d’une reprise du mouvement à la rentrée. Le grand remaniement ministériel du 7 janvier, suivi de l’annonce par le nouveau ministre de l’Éducation de l’arrêt de toutes les contre-réformes et de l’ouverture d’un dialogue avec les lycéennes et les lycéens, ont pour l’instant désamorcé les tentatives pour relancer un vaste mouvement dans ce secteur.

Le tir de plusieurs coups de feu contre un fourgon de police le 23 décembre à Athènes et une attaque à la kalachnikov qui a blessé grièvement un policier le 5 janvier ont été revendiquées par Lutte révolutionnaire, la principale organisation de lutte armée depuis l’élimination en 2003 du Groupe du 17-Novembre et de ELA [1]. Ces deux actions ont déclenché une vague de répression contre le mouvement anarchiste et contribué au désengagement de nombreuses et nombreux lycéens, qui formaient la masse des manifestations de décembre. L’hypothèse d’une manipulation policière ou étatique est sérieusement envisagée dans les milieux militants grecs, y compris par les anciens partisans de l’action armée.

Une syndicaliste vitriolée

Alors que la bureaucratie de la centrale syndicale unique (GSEE) se tient toujours hors du mouvement, des initiatives à la base concrétisent la solidarité de classe.

Le 23 décembre, Konstantina Kouneva, vice-présidente de l’Union régionale des femmes de ménage, était attaquée au vitriol par des « inconnus », très probablement des nervis du patronat. Konstantina est depuis entre la vie et la mort. Cette terrible agression d’une responsable d’un syndicat combatif qui organise principalement des femmes immigrées, a entraîné une riposte d’ampleur. Le siège de la compagnie qui l’employait a été détruit lors d’une manifestation ; l’inspection du travail (organisme complètement corrompu et réputé pour son inaction) a été occupée. Une coordination d’une quarantaine de syndicats de base de la GSEE assure le suivi de la mobilisation. Une plainte contre X a été déposée, initiée par les soutiens puisque, comme d’habitude, aucun procureur n’a réagi.

Des salarié-e-s de la presse et de l’information, surtout des militants libertaires, ont mené du 10 au 16 janvier une occupation du siège du syndicat des journalistes à Athènes. Il s’agissait d’une part d’établir des revendications sur leurs conditions de travail et d’autre part de dénoncer le rôle des médias dans le traitement de la révolte de décembre (falsification, criminalisation etc.). À cette occasion s’est tenue une assemblée générale sans précédent de plusieurs centaines de travailleuses et travailleurs des médias, principalement des journalistes.
Enfin, l’attaque de Gaza par Israël a donné lieu à de nombreuses actions de solidarité. Un transport de munitions à destination d’Israël a notamment été bloqué dans le port d’Astakos.

Les foyers de contestation sont toujours vivants, il reste à construire un mouvement auto-organisé de lutte de classe.

Clément Garnier (AL Paris-Sud)

[1Organisations anticapitalistes clandestines formées dans les années 1970 contre la junte militaire soutenue par Washington. Elles étaient classées comme organisations terroristes.

 
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