Harcèlement de rue : Insécurité et dévalorisation




Début août, le harcèlement de rue a fait l’objet de controverses après la mise en ligne d’une vidéo réalisée en caméra cachée par une jeune belge montrant comment et à quelle fréquence elle est interpellée dans la rue.

Le harcèlement de rue est le fait pour une femme, dans la rue ou dans un autre lieu public tel que le rayon fruits et légumes du supermarché ou l’Assemblée nationale, d’être à chaque fois et souvent plusieurs fois, interpellée par des hommes (le harcèlement est collectif dans ce cas). Les interpellations vont de « vous êtes charmantes », « boudin ! » à « sale pute » en passant par toute une gamme de phrases, sifflets et borborygmes. Les défenseurs de la « drague de rue » ont donc tenté de s’expliquer. « Ne mélangeons pas tout, certes il y a des insultes mais aussi juste des types gentils et charmés qui veulent entrer en relation… Ce n’est pas si grave, ce ne sont pas des agressions non plus… Les femmes devraient être flattées... »

Ces interpellations ont pour caractéristiques communes de n’être ni sollicitées, ni espérées. Non, une femme qui va acheter son pain, qui sort son chien ou qui simplement se promène ne le fait pas pour être accostée de quelque façon que ce soit. Et aucune femme n’attend qu’un type inconnu livre son opinion sur son physique.

[*Vigilance permanente*]

Ces remarques ont une autre caractéristique : les hommes qui s’y livrent ne s’attendent pas du tout à ce que la femme réponde « chouette, trouvons un coin tranquille et je te suce », ni même « cool, je suis ravie que tu m’abordes, allons prendre un pot ». Non, ils savent bien que leur abordage n’aura pas cet effet. Il ne s’agit donc pas de « draguer » (ce qui serait déjà inadmissible puisque pas sollicité) mais seulement d’affirmer que les corps des femmes sont collectivement la propriété des hommes qui, de ce fait, ont ainsi le droit de donner leur avis à la cantonade. Bien sûr, l’espace public est moins dangereux pour les femmes que l’espace privé. Mais ces comportements entraînent pour les femmes un état de vigilance permanente afin de faire face à ces interpellations. Un homme peut vaquer à ses occupations en toute sérénité, l’esprit léger. Une femme sera en permanence sur le qui-vive, prête à répondre à l’interpellation, qu’elle soit réellement agressive ou se déguise en contact « amical ».

Comment quantifier les lourdes conséquences de cette vigilance permanente, toute cette énergie qui pourrait être consacrée à autre chose, et le sentiment d’insécurité et de dévalorisation qui l’accompagne ? Face à ses agressions répétées, les femmes ont des réactions de prévention variées telles que traverser la rue quand elles voient plusieurs hommes sur leur chemin, ne pas regarder les hommes en face, ou encore veiller à s’habiller sobrement, ce qui ne sert à rien car comme le viol, l’interpellation de rue utilise le sexe comme outil de pouvoir et se fiche des vêtements de la cible. Et ensuite, elles insultent, font comme si elles n’avaient rien entendu ou cherchent à s’expliquer jusqu’à obtenir des excuses quand c’est possible. Mais réagir collectivement est possible. Il faut affirmer sa solidarité avec les femmes qui essaient de se dépêtrer des lourdauds en intervenant dans la discussion, faire preuve de pédagogie auprès des hommes interpelleurs pour leur expliquer combien leur comportement est déplaisant... Seulement, soyons lucides : tant que la société traitera les femmes comme des objets sexuels à disposition – porno, pub, prostitution – les possibilités d’intervenir sur les mentalités individuelles resteront faibles.

Christine (AL Orne)

 
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