Immigration : l’université de Tours, terre d’asile




Depuis le 30 mars, des demandeuses et des demandeurs d’asile occupent l’université des Tanneurs, à Tours. Avec l’aide d’un collectif de soutien, ils exigent leurs relogements, la création de place en centre d’accueil de demandeurs d’asiles et la réquisition des logements vides.

Avec la fin du plan d’urgence hivernal, des familles de demandeurs d’asile ont été expulsées de leurs foyers d’hébergement. Elles étaient toutes sur le territoire français depuis quelques semaines et viennent d’Arménie, du Soudan (Darfour), de Tchétchénie, d’Azerbaïdjan, d’Angola ... La préfecture les qualifiant quant à elle de « faux demandeurs d’asile ». L’association Chrétiens migrants et le Collectif de soutien aux demandeurs d’asile et aux sans-papiers se sont donc saisis de la situation dans l’urgence et l’association a pris sur elle de faire des quêtes dans les églises pour payer des nuits d’hôtel. Les autorités compétentes (préfecture, conseil général, DDASS) ont été interpellées à maintes reprises, leurs locaux ont même été occupés mais le seul résultat obtenu s’est présenté sous forme d’une enveloppe d’argent liquide pour payer une nuit d’hôtel. Parallèlement, une soixantaine d’étudiant(e)s étaient en lutte à l’université des Tanneurs contre la LOPRI (Loi d’orientation et de programmation pour la recherche et l’innovation) depuis 3 semaines sans parvenir à réellement mobiliser. Le collectif et les étudiants ont donc décidé de faire converger les forces en présence, et d’occuper la fac.

Hospitalité française

Les familles ont été installées dans la salle polyvalente et les militante montaient la garde, craignant l’intervention de la police. Deux jours plus tard, une délégation a été reçue à la préfecture mais n’a obtenu pour seule proposition que de remettre les familles à la rue et que les parents « prennent leurs responsabilités » et placent leurs enfants à l’Aide sociale à l’enfance ! Le refus des familles et du collectif a été immédiat et l’installation du lieu, ainsi que l’auto-organisation de la lutte, ont réellement commencé. Les étudiants et toutes les personnes mobilisées ont intégré le collectif. Le président de l’université (d’obédience socialiste), en l’occurrence le seul détenteur du pouvoir de police, nous a laissé des sursis successifs, sous l’influence manifeste d’une pétition des professeurs refusant toute intervention des forces de l’ordre et a assuré un rôle de pseudo médiateur entre le collectif et les pouvoirs publics.

Solidarité et lutte

Le collectif a mené de nombreuses actions : occupation du conseil général, des locaux de l’Entr’aide Ouvrière, manifestations, interpellation des élus lors des inaugurations, des réunions pour le Oui à la Constitution, des conseils municipaux, devant les églises...

Lorsque la mairie (PS) a organisé une cérémonie « d’accueil des nouveaux habitants de l’agglomération », le collectif s’est invité au début de la cérémonie et a déroulé une banderole sur le fronton de l’Hôtel de Ville. La réponse du maire a été immédiate. Sans aucune sommation, la police est intervenue dans la salle à grands coups de matraque. La violence qui contrastait tant avec l’action a profondément choqué toutes les personnes présentes, à l’intérieur comme à l’extérieur... En ce qui concerne l’occupation, le fonctionnement en commissions mandatées par une assemblée générale quotidienne et souveraine a été très vite adopté, notamment grâce à la présence des militantes et des militants de SUD Etudiants et d’autres membres de l’union syndicale Solidaires. Les commissions : médias, animation, scolarisation, santé, action, logistique, journal, alphabétisation, actions juridiques... fonctionnent selon les forces en présence, et le journal de l’occupation COQP est diffusé régulièrement selon les nouvelles à annoncer.

Les familles gèrent leur lieu de vie ensemble et, malgré la barrière de la langue et la promiscuité à laquelle elles sont condamnées, elles s’entendent bien. Tous les enfants sont désormais scolarisés. En effet, les membres du collectif se chargent de tout le suivi social (médical, scolaire, Assedic, dépôt des dossiers Ofpra...). Tout cela prend du temps mais la lutte perdure malgré l’essoufflement dû à la période des examens.

Aujourd’hui, nous avons obtenu le relogement de 6 familles mais la première des exigences du collectif n’a donc pas été respectée : aucune solution globale de relogement n’a été proposée. Précisons que les décisions des familles sont souveraines pour tout ce qui concerne leur logement. Parallèlement, malgré le travail effectué en amont pour éviter de nouvelles expulsions, quatre familles se sont retrouvées à la rue, et ont rejoint l’occupation.

Le collectif, né en août dernier a la particularité de rassembler des revendications concernant les demandeurs d’asile et les sans-papiers, ce qui n’est pas sans poser débat dans le cadre d’une lutte purement légaliste et spécifique. Les médias nationaux n’ont quasiment jamais fait écho de la situation tourangelle et aujourd’hui les médias locaux s’en désintéressent totalement, ce qui n’a rien d’étonnant, surtout dans le contexte référendaire ... Cependant la lutte continue, tout est fait pour que la fac ne devienne pas un centre d’hébergement qui pallie simplement aux lacunes d’un système illégitime.

Laure (Tours)

 
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