Irlande : Le pipeline de la honte




Comme au Nigeria, la multinationale pétrolière Shell doit faire face à la révolte des populations locales en Irlande. Le mouvement libertaire est présent et actif dans la lutte.

La flambée des hydrocarbures met le comté de Mayo, en Irlande, sous la pression des capitalistes. L’important gisement gazier de Corrib y a été attribué en 2002 à la société anglo-néerlandaise Shell et à la norvégienne Statoil. Mais les habitantes et les habitants ont refusé de voir leur cadre de vie saccagé par la construction d’un pipeline et d’une raffinerie dans la baie de Broadhaven.

Leur mobilisation est aujourd’hui structurée par la coalition Shell to sea (« Shell à la mer ! »), qui réunit de nombreuses organisations syndicales et politiques, dont les communistes libertaires du Workers Solidarity Movement et les et anarcho-syndicalistes d’Organise ! Shell to sea appuie ses critiques sur trois points :

– le projet de Shell est un désastre écologique, car il consiste à construire d’énormes infrastructures industrielles en plein milieu d’une zone naturelle classée, qui est aussi une zone marécageuse instable, ce qui fait courir un risque réel d’accident industriel ;

– la construction du pipeline va totalement bouleverser la vie d’Erris et de Rossport, dont les agriculteurs et les pêcheurs vont se voir confisquer une partie de leurs terres ;

– enfin, la « République d’Irlande » [1], fidèle à sa ligne ultralibérale, a diminué la fiscalité sur les sociétés pétrolières et gazières de 50 à 25 % et supprimé les royalties, tout en les autorisant à déduire des impôts 100 % de leurs frais. Bref, les multinationales feront encore plus de profits, sans que les citoyennes et les citoyens irlandais profitent de l’exploitation de leurs ressources naturelles.

Par le peuple, pour le peuple

Face à cela, Shell to sea réclame primo l’abandon des travaux dans la baie de Broadhaven, au profit d’une exploitation du gaz en mer ; secundo que les ressources énergétiques soient gérées par le peuple irlandais, pour le peuple irlandais. Même s’il y a des divergences sur la signification de cette seconde revendication, beaucoup défendent la collectivisation ou la nationalisation du gaz irlandais, rompant ainsi clairement avec la logique capitaliste sur ce point.

La lutte, intense, dure depuis quatre ans, aussi bien localement que nationalement : campement permanent sur place, multiplication des manifestations et des débats, blocage du chantier de construction, organisation de piquets devant les stations service Shell, pour la frapper au porte-monnaie.

Début septembre la lutte a pris un tour plus dramatique quand Shell, a lancé la pose du pipeline, avec l’appui du gouvernement de Dublin qui réunit le parti de centre-droit Fianna Fail et les Verts. Comme quoi, les Verts irlandais, tout comme les Verts français oublient leurs promesses électorales lorsqu’ils arrivent au pouvoir ! Aujourd’hui les actions de Shell to sea se multiplient. Une enseignante en grève de la faim a mis fin à son action au bout de 11 jours après avoir obtenu le départ du bateau qui devait poser le pipeline. La lutte est donc à un tournant. Soit elle parvient à bloquer les travaux, soit il sera beaucoup plus dur de vaincre Shell.

Contre le saccage de la planète

Notre solidarité et notre soutien sont importants. Cette lutte est aussi la nôtre, parce qu’elle refuse le saccage de la planète par le capitalisme, parce qu’elle pose la question de la propriété et de la gestion des ressources naturelles, du droit des communautés locales à décider démocratiquement de leur avenir. Et cela alors que le peuple irlandais des 26 comtés a rejeté par référendum, en juin, le traité européen libéral de Lisbonne. Vote dans lequel ce qui se passe dans le comté de Mayo a bien sûr eu un fort impact. Shell to sea a d’ailleurs très bien compris cet enjeu international, puisqu’elle a par exemple créé des liens avec les victimes de Shell au Nigeria. L’État y avait, en 1995, pendu 9 militants dont l’écrivain Ken Saro-Wiwa, qui s’opposaient au pillage par Shell du delta du Niger. Puisque l’attaque est internationale, il faut que la résistance le soit aussi.

Liam Behan (Solidarité Irlande Paris)

[1En réalité l’État libre des 26 comtés du sud-ouest, les 6 comtés du nord-est de l’île étant encore occupés par l’impérialisme britannique.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut