Jeux olympiques : Au spectacle de la hiérarchie de nations




Avec le même battage médiatique qu’à chaque « grand évènement » sportif, les Jeux olympiques de Pékin en août vont nous faire ingurgiter la dose habituelle de propagande nationaliste et capitaliste, mais cette fois, sur fond de dictature stalinienne.

La compétition sportive aux allures de grande fête ludique cache de moins en moins les enjeux de l’évènement olympique. Les dizaines de millions de téléspectateurs, rivés sur leurs écrans vont vibrer au rythme de « leurs » championnes et leurs champions, transformés en porte-drapeaux, acclamés ou haïs selon leur performance. Le fondateur des JO modernes en 1896, le baron Pierre de Coubertin (1863-1937), ne s’y trompait pas : « Les sports ont fait fleurir toutes les qualités qui servent à la guerre : insouciance, belle-humeur, accoutumance à l’imprévu, notion exacte de l’effort à faire sans dépenser des forces inutiles. » [1]

De Munich à Pékin

Si Pékin travaille de façon minutieuse sa communication (cours d’accueil des Occidentaux, restructuration de quartiers complets avec expropriations de centaines de milliers de familles et travail forcé, séjours en camps pour opposants…), c’est que les JO sont avant tout une énorme page de pub pour le régime. Ils lui permettent de justifier ses prétentions territoriales - comme les JO de Moscou en 1980, après l’occupation de l’Afghanistan par l’URSS – ou ses fondements idéologiques – comme les JO de Munich organisés par les nazis en 1936 ou le mondial de foot par la dictature argentine en 1978.

Préparation psychique et biologique

Que ce soit à Pékin, à Munich ou ailleurs, le principal contenu idéologique des JO ou autre Coupe du monde réside dans la compétition en elle-même. Le principe suppose de battre continuellement des records, magnifie l’effort physique et le dépassement de soi au mépris de l’aspect esthétique et ludique que l’on pourrait attendre du sport.

Les sportives et les sportifs sont parqués dans un village étroitement surveillé, comme pour les préserver. Leurs corps sont devenus des matières premières rares et précieuses, que l’on a travaillé, cultivé avec des méthodes de plus en plus sophistiquées : surmédicalisation, préparation psychique et biologique… jusqu’au dopage. Le but est de produire de la performance, car c’est cette performance que l’on vend aux médias et que les sponsors attendent. Le corps sportif est réduit au statut de simple support de la compétition capitaliste. Derrière ces corps idéologisés, se trouvent pourtant des athlètes, qui perdent à nos yeux tout caractère humain.

Si l’on ajoute les commentaires journalistiques habituels, les performances sportives finissent par justifier une hiérarchie « naturelle » entre nations, voir entre « races », grâce à un essentialisme culturel anodin : eh oui, les Chinois sont souples, les Russes sont durs et rigoureux, les Africains sont endurants et persévérants, etc.

Les médias, acteurs décisifs

Au-delà de la simple information sur les résultats, les médias servent avant tout à glorifier des héros, à enthousiasmer les foules, à dramatiser les enjeux de telle ou telle compétition. Ils sont partie prenante du système olympique dans lequel ils investissent en droits de retransmission, en espérant le maximum de rentabilité (sponsoring des émissions sportives, publicité). Donner de l’importance à l’évènement vise autant à augmenter l’audience, et donc les recettes publicitaires, qu’à diffuser l’idéologie sportive qui permet de perpétuer ce système.
Dans ces conditions, il est illusoire de penser que la présence des médias en Chine pendant les JO permettrait de dénoncer la politique liberticide du Parti unique. Les médias façonnent les Jeux, au même titre que le Comité international olympique ou Coca Cola. Le boycott auquel appel le Comité d’organisation du boycott des Jeux olympiques de Pékin (Cobop) commence d’abord par le boycott des médias [2]. Mais plus encore, ce qu’il faut refuser, c’est ce sport-compétition, qui opprime le corps et nous enferme dans le cadre nationaliste ou localiste des évènements sportifs.

Renaud (AL Alsace)

[11. Pierre de Coubertin, Essais de psychologie sportive, 1913.

 
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