Le Dico antiraciste : Qu’est ce que l’intégration ?




Chaque mois, un mot ou une expression passée au crible par Clem

Sombre référentiel que celui de « l’intégration » quand on parle d’immigration !

Le mot a progressivement remplacé dans les politiques publiques celui d’assimilation, qui datait du XIXe siècle. Les politiques migratoires et plus généralement la pensée dominante exigeaient alors que la personne qui arrivait en France adopte le mode de vie français, et déracine tout ce qui en elle pouvait représenter une altérité culturelle par rapport à la France. L’intégration se substitue à cette notion en instaurant une sorte de « pacte » : les étrangers font (plus ou moins) ce qu’ils veulent dans la sphère privée, mais doivent respecter les valeurs républicaines. C’est ce principe qui est censé régir les politiques d’« intégration » des personnes étrangères. Le problème, c’est que cette notion implique que le fait de vivre en harmonie avec la société d’accueil est de la responsabilité de l’immigré-e, et seulement de l’immigré-e. Aujourd’hui, sous le mot « intégration » demeure bien souvent une logique assimilationniste.

Depuis 20 ans une nouvelle idée commence à se diffuser dans les politiques publiques : celle de lutte contre les discriminations, d’égalité des droits. Pour la première fois, il y a des champs des politiques publiques qui commencent à intégrer que le fait de vivre ensemble sans heurt, dépend autant de l’immigré-e que des nationaux, qu’il y a réciprocité. Mais alors pourquoi cette notion d’intégration demeure vivace dans les politiques publiques ?
La finalité de l’intégration, c’est de maintenir un rapport de domination, qui justifie une sélection d’abord utilitariste mais aussi symbolique. Utilitariste parce que pour s’intégrer, il faut travailler longtemps, accepter des droits réduits et servir de variable d’ajustement à un paquet de secteurs d’activité économique. Ce qui arrange bien les classes dominantes (sous la gauche comme sous la droite !) Symbolique, parce que l’idée d’intégration permet d’opérer une division entre les « bons » et les « mauvais » immigré-e-s. Il y aurait la belle immigration, celle qui s’intègre, va dans les grandes écoles et a droit d’acquérir la nationalité française (la naturalisation, stade suprême de l’intégration), et la mauvaise, celle qui ne veut pas faire comme nous. Celle-là, elle ne peut s’en prendre qu’à elle même si on brûle ses campements ou qu’on la tabasse dans la rue. En définitive, ce qui compte, c’est de pouvoir marquer une domination sur les étrangères et les étrangers, les maintenir dociles, justifier la violence (institutionnelle ou issue des racistes de tout poil) à leur encontre, et rappeler qui c’est le patron dans notre beau pays. Eh non ! On n’en a pas encore fini avec l’injonction à l’intégration.

 
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