Point de vue

Le concept de « classe de sexe » en débat




Les féministes radicales s’opposent au patriarcat en tant que système d’oppression économique. Pour analyser cette domination, elles utilisent la notion de classes de sexe. Est-ce compatible avec la lutte des classes ?

Le patriarcat est essentiellement un système de domination économique. Cette domination s’exerce grâce à la division sexuée du travail, c’est-à-dire l’inégale répartition des tâches entre les hommes et les femmes. Ainsi les hommes bénéficient-ils du travail gratuit des femmes dans l’espace domestique mais aussi dans une partie de l’économie marchande (artisans, agriculteurs, professions libérales, patrons). Un système idéologique s’est construit pour justifier le patriarcat : le sexisme.

L’arrivée massive des femmes dans l’emploi salarié ne modifie nullement la donne, les femmes exerçant les métiers les moins bien payés et les plus au service des autres.

Si le capitalisme et le patriarcat sont des systèmes distincts, ils sont tous les deux des systèmes d’exploitation économique. Et par homologie si le prolétariat est la classe exploitée dans le mode de production capitaliste, les femmes sont la classe exploitée dans le mode de production domestique. Les féministes radicales parlent ainsi de classes de sexe.

La famille, origine de l’exploitation

Les classes de sexe sont différentes des classes sociales. En particulier, les individus sont en permanence assignés à leur classe de sexe, alors qu’ils ne sont pas dans toutes les activités vus selon leur classe sociale : « un homme se noie » nous dit sa classe de sexe, mais pas sa classe sociale [1]. De plus, la conscience d’appartenir à sa classe de sexe est obligatoire, enfoncée dans le crâne par l’éducation.

Pour certains, « purement » lutte de classe, le capitalisme est responsable de l’oppression des femmes. Il utilise la famille pour la reproduction de la force de travail et l’apprentissage de l’obéissance. Le féminisme radical oppose le fait que la famille existait avant le capitalisme et remplissait les mêmes fonctions et que le mode de production domestique existait avant le mode de production capitaliste.
Pour la pensée purement lutte de classe, la persistance de l’oppression des femmes en dehors du capitalisme est due à des causes idéologiques. Pour le féminisme radical, une idéologie ne peut subsister en dehors de l’oppression
qu’elle rationalise.

Supprimer les hommes ?

Quand les féministes radicales disent vouloir supprimer les classes de sexe, elles ne parlent évidemment pas de supprimer les hommes mais le rapport d’oppression économique de façon à ce qu’être homme ou femme n’ait plus de pertinence en matière d’attribution des tâches.
Être féministe radicale ou pro-féministe radical n’est pas incompatible avec être militant de la lutte des classes.

Le concept de genre étend la classe de sexe hors du champ économique. Il décrit l’existence de deux groupes sociaux distincts, le masculin et le féminin et affirme que ce sont des constructions sociales. La division en deux catégories n’a pas d’existence naturelle, elle est seulement là comme support nécessaire de la hiérarchie.

Vouloir déconstruire les genres c’est vouloir que la distinction entre hommes et femmes n’ait plus de pertinence sociale, que les attentes envers les individus soient identiques et que les possibles d’existence soient donc plus variés qu’aujourd’hui pour chaque personne.

Christine (AL Alençon)

 À lire : Christine Delphy, L’Ennemi principal, tomes 1 et 2. Roland Pfefferkorn, Inégalités et rapports sociaux - Rapports de classe, rapports de sexe.

[1Voir l’interview de Christine Delphy dans AL du mois dernier : « il y a un aspect de caste dans les classes de sexe. »

 
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