Les Classiques de la subversion : Alan moore et David Lloyd « V pour Vendetta »




Dans une Angleterre où le fascisme s’est imposé suite au chaos social causé par une troisième guerre mondiale, il en est certains qui ne se sont pas résignés au système autoritaire. V pour Vendetta, c’est l’histoire d’une vengeance mais pas seulement. C’est aussi une ode à la résistance et à la liberté. Après avoir éliminé ses anciens tortionnaires, V, rescapé d’un camp de concentration, se donne pour ambition de détruire les centres de pouvoir afin de laisser la place au peuple de se révolter et de reconstruire une toute autre société.

V est clairement une figure d’antihéros : parfois fou, parfois sadique, arborant un masque au sourire figé lorsqu’il tue ses ennemis (référence à Guy Fawkes qui a été à deux doigts de faire exploser le palais de Westminster en 1605). Il s’oppose en tous points aux héros de comics traditionnels : il ne défend pas la nation et l’autorité mais l’anarchie, la liberté, la justice et l’égalité.

Le récit est ponctué de dialogues entre V et Evey, gamine crevant la dalle qu’il a recueillie alors qu’elle était sur le point de se faire tuer par des flics. V lui explique ce qu’est l’anarchie, démontant ainsi les préjugés attachés au terme : « Anarchie veut dire “sans maître” pas “sans ordre” », « L’anarchie a deux visages : créateur et destructeur. Le destructeur abat les empires, prépare le tapis de ruines sur lequel le créateur peut construire un monde meilleur  ».

Loin d’être un véritable ouvrage politique, V pour Vendetta a le mérite de parler de révolution et d’anarchisme à travers une histoire prenante et de superbes dessins. Alan Moore et David Lloyd ont pensé cette histoire durant les années Thatcher, imaginant l’évolution de l’Angleterre vers un régime fasciste. La personnification d’un idéal politique à travers le héros peut être parfois dérangeante mais le discours de celui-ci permet de définir l’anarchie comme la construction de la société par le peuple et non par des leaders ou dirigeants. Il en résulte que ce héros est lancé dans une cause sacrificielle et disparaît pour laisser la place à la construction collective. On ressort marqué par la lecture de cette fresque de science fiction. Alan Moore et David Lloyd ne font aucun compromis que ce soit au niveau du scénario ou du dessin, l’histoire est sombre, violente, parfois glauque, à l’image de la société qu’ils cherchent à dépeindre. Les auteurs ont fait le choix de n’utiliser que le dialogue et le dessin, ce qui épure les livres de tout élément de contextualisation et de narration.

La « morale » de l’histoire reste que la liberté et l’égalité ne peuvent être confisqués au peuple éternellement : « Le bruit est proportionnel au silence qui l’a précédé. Plus le calme était absolu, plus le coup de tonnerre choquera. Nos maîtres n’ont plus entendu la voix du peuple depuis des générations ».

Flo (AL Montpellier)

• Alan Moore et David Lloyd, V pour vendetta, Urban comics, 2012, 352 pages, 28 euros.

 
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