Les classiques de la subversion : Karl Marx, « Le 18 Brumaire de Louis-Napoleon Bonaparte »




Chaque mois, un livre qui a compté dans l’histoire des idées subversives

Edité en 1852, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte est une brillante démonstration faite par Marx de l’efficience de sa thèse de la lutte des classes, s’axant sur l’évolution de la superstructure.

Écrit quatre ans après le Manifeste du Parti Communiste qui stipulait que « l’histoire des sociétés n’a été que l’histoire de la lutte des classes », il rompt avec l’histoire dominante, car Marx y démontre que l’histoire a un sens, celui du développement des forces productives et des antagonismes sociaux qui en résultent.

Le titre, allusion au coup d’État réalisé le 18 Brumaire de l’An VIII, par Napoléon Ier, qui condamnait la Ire République à disparaître, part d’un postulat original : un grand évènement se répète deux fois, la première de manière tragique, la seconde de manière parodique et grotesque.
Marx s’attelle à démonter l’histoire telle qu’elle est faite : refusant les analyses partielles des historiens ou d’apprentis historiens (Victor Hugo…), qui voient dans ce putsch la main machiavélique d’un intrigant dans l’appareil d’État, au contraire, il explique que la place de la superstructure, de la politique et de la religion dans le système est toujours dépendante du mode de production : ce n’est que la forme originale que va prendre la domination, partant du fait que « domination et exploitation ne sont qu’un seul et même concept ».

Dans cette logique, Marx décrit l’accaparement par la bourgeoisie de la république sociale de février 1848. Il évoque aussi la trahison par celle-ci du prolétariat parisien écrasé durant les journées juin 1848, qui va mener à la perte du soutien populaire au nouveau régime parlementaire bourgeois, la Constituante.

Comment un simple opportuniste parvient-il à la tête d’un pays ? La bourgeoisie libérale a certes perdu l’appui des prolétaires en fermant les Ateliers nationaux, en abolissant le suffrage universel, en votant sous la menace de l’armée, etc. La IIe république voit ainsi la sphère politique se bipolariser dans le rejet des institutions en place : tandis que les « rouges » se créent comme force politique autonome autour du rejet de la démocratie bourgeoise qui les a trahis, les « blancs » du parti de l’Ordre défendent les valeurs de la famille, de l’Église et de la propriété.

Le coup d’État va reposer sur une autre classe, majoritaire : la paysannerie inquiétée par le retour des royalistes, qui met en péril leurs propriétés, manipulée par l’appareil bureaucratique d’État contre le « parti de l’Anarchie », pressée par « le chef du lumpemproletariat », Louis-Napoléon, et sa garde rapprochée, la Société du 10-Décembre.

Dans le dernier chapitre, Marx, face à l’échec de la révolution en France, insiste sur l’aspect illusoire d’une prise du pouvoir politique dans la démocratie bourgeoise, puisqu’un tel pouvoir ne sert qu’aux intérêts de sa classe, donc à la conservation du mode de production. La solution pour Marx étant la destruction du pouvoir bureaucratique, qui libèrera la société des rapports de production capitalistes.

J. P. (AL Aix)

 
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