Loi travail XXL : Les femmes dans le viseur des ordonnnances Macron




Précarisation des conditions de travail accrue, accès réduit à la médecine du travail et aux instances de prévention, invisibilisation des inégalités genrées : l’impact des ordonnances Macron sera insidieusement amplifié pour les travailleuses.

Alors que le gouvernement déclare que l’égalité femmes-hommes sera «  la grande cause du quinquennat  », ces effets d’annonce sont loin d’être en prise avec la réalité. Les mesures se suivent, avec un impact toujours plus important sur les conditions de travail des femmes. Pourtant, début septembre, la tribune parue sur le site Médiapart à l’initiative de militantes féministes et de différents soutiens, pointe les conséquences spécifiques des ordonnances à l’encontre d’une population féminine déjà précarisée.

Certains chiffres parlent d’eux-mêmes. Parmi les salarié.es, les femmes travaillent plus souvent à temps partiel que les hommes (30,4 % contre 7,9 %). De même, elles sont davantage soumises aux contrats courts  : 16 % d’entre elles sont embauchées en CDD contre 13,4 % des hommes [1].

Ces statistiques ne sont pas une surprise  : tous les ans, les mêmes inégalités sont mises en évidence. Au regard de ces réalités, comment peut-on envisager que la loi travail XXL ait des conséquences positives pour les salariées  ?

Négocier dans l’entreprise au détriment des femmes

Alors même que l’inversion de la hiérarchie des normes a un impact dévastateur sur l’ensemble des salarié.es, elle a évidemment une dimension bien particulière pour les femmes. En effet, avec la remise en cause des accords de branche et des conventions collectives au profit de négociations à l’intérieur des entreprises, les droits gagnés collectivement risquent purement et simplement de passer à la trappe... Le gouvernement a beau rassurer sur les négociations d’entreprise, rien ne peut garantir le maintien des droits actuels et encore moins l’acquisition de nouveaux. En effet, dans la plupart des TPE et PME, il est rare qu’un syndicat soit en mesure d’exercer le rapport de force nécessaire au maintien des acquis sociaux. Ce constat est particulièrement évident dans le secteur tertiaire où la force de travail est fortement féminisée (vente, commerce, services à la personne...). Par conséquent, l’ensemble des salarié.es est fragilisé mais tout particulièrement les femmes.

Concrètement, même si des droits sont inscrits dans la loi, comme la durée légale minimum du congé maternité, de nombreuses dispositions plus favorables sont inscrites dans les conventions collectives. Ainsi, une augmentation de cette durée de congé minimale, ou encore l’aménagement du temps de travail pour les femmes enceintes, peuvent être supprimées par accord d’entreprise en toute légalité.

De même, l’extension du travail le dimanche impacte le quotidien des femmes  : elles subiront de plein fouet cette mesure car elles sont surreprésentées dans les secteurs concernés. Dans le commerce ou la vente, elles pourront être contraintes à des jours de travail supplémentaires. Dans le cas des familles monoparentales, le travail dominical signifie l’organisation de la garde des enfants un jour non ouvré, avec une absence de solution financièrement acceptable pour les personnes ne disposant pas d’un réseau amical ou familial.

Prévention et soutien  : débrouillez-vous seules !

Dans les services à la personne, elles pourront perdre des droits actuellement fixés par les conventions collectives, notamment sur le montant des rémunérations le dimanche. Ce secteur est d’autant plus vulnérable qu’il emploie quasi-exclusivement des femmes sur des contrats à temps partiel, souvent imposés, avec des horaires coupés et une amplitude horaire importante. Ces salariées ne disposant que de peu voire d’aucun espace d’élaboration collective, comment envisager une dynamique de lutte ou de rassemblement contre les destructions en cours et à venir  ?

Les ordonnances ne s’arrêtent pas là : différentes instances ayant un rôle de veille concernant les problématiques spécifiques aux femmes se verront amputées d’une partie de leurs missions, voire supprimées.

Les ordonnances Macron modifient en profondeur l’accès à la médecine du travail  : initialement, une visite était obligatoire à l’embauche. Désormais, cette visite ne se fera que si les salarié.es le demandent. Or, on observe déjà que sur le pourcentage de personnes ne s’étant jamais rendues à la médecine du travail, les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes (2013). De même, parmi les personnes ayant eu une visite dans l’année écoulée, dont la tendance générale est en baisse, l’écart est de plus de 10 % [2]. Ces chiffres montrent bien que l’accès à une médecine de prévention liée au travail est moins développée pour les femmes alors qu’elles sont nombreuses à être concernées par les contrats précaires sur des postes à forte pénibilité (grande distribution, agro-alimentaire, services à la personne...).

La médecine du travail, qui, en lien avec le CHSCT, permettait d’alerter sur certaines situations comme le harcèlement au travail ou encore la pénibilité, n’aura d’une part plus les outils pour mener à bien ses missions, d’autre part plus d’interlocuteur pertinent. En effet, l’une des orientations prévues par les ordonnances est de fusionner l’ensemble des instances représentatives du personnel (IRP). Or, en regroupant ces dernières, le gouvernement supprime la spécificité de chacune, et
crée une instance unique, regroupant moins de personnes, avec un temps et des moyens alloués toujours plus limités. Dans ces conditions, on imagine bien que la priorité ne sera pas donnée aux dimensions d’alerte et de prévention pour les femmes et aux situations de harcèlement. La probabilité étant que le futur comité social et économique (CSE) se cantonne, faute de moyens, à des questions strictement économiques. Par ailleurs, une disposition de la loi Rebsamen de 2015, avait vocation à instituer la parité aux élections professionnelles. Même si aucune loi ne résoudra les problèmes structurels du patriarcat, il est révélateur que cette disposition n’ait même pas encore été évoquée dans le nouveau texte de loi.

Ce phénomène d’invisibilisation des inégalités au travail s’exprime dans une autre mesure  : depuis 1983, les employeurs peuvent être sanctionnés s’ils ne fournissent pas les statistiques genrées liées à leur entreprise. Avec la réforme, ces
données comparées ne sont plus obligatoires.

(c) mdf Paris

Invisibilisation des inégalités au travail

Au delà de ces ordonnances, il est impératif de garder à l’esprit que chaque nouvelle attaque au code du travail entraîne des conséquences spécifiques sur les salariées. Dans ce contexte, il est d’autant plus nécessaire d’investir les espaces de lutte existants et d’en créer de nouveaux. Ainsi, lors des différentes mobilisations contre la loi travail, nous ne pouvons que regretter le manque d’échos qu’ont eus les alertes des femmes sur ces questions.

AL Lorient

[1Chiffres 2016 de l’Insee.

[2Enquete de la Dares «  Conditions de travail  »  ; n°10, 2015.

 
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