Lutter plus : Le vrai pouvoir d’achat, c’est le salaire




Les grèves se multiplient sur les questions salariales. Ce sont en particulier les petits salaires qui craquent. Les feuilles de paye affichent des chiffres tellement bas que le terrorisme patronal n’est plus suffisant pour bloquer les luttes.

Snecma : grève suite à un accord salarial pourri. Prodirest, près de Lens : huit jours de grève pour les salaires, dans une entreprise de 29 salarié-e-s, sans que la direction ne lâche quoi que ce soit. À la Réunion : 90 % des 231 salarié-e-s de la SCPR en grève pour les salaires. Fnac : grève pour peser sur les négociations salariales. Et bien sûr, grève au magasin Carrefour de Grand-Littoral à Marseille. Les salarié-e-s en ont assez d’entendre le gouvernement et le patronat prétendre que le pouvoir d’achat augmente, alors que les salaires stagnent.

De l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat !

Première escroquerie de ces discours sur le pouvoir d’achat : la focalisation sur les prix. Le gouvernement prétend que le pouvoir d’achat passerait d’abord et avant tout par une « modération des prix ». Or, les baisses de prix sont mécaniquement répercutées par le patronat sur les salaires, qui au mieux sont gelés, au pire baissent (à temps de travail constant). En effet, ni le patronat ni le gouvernement n’ont la moindre intention de rogner sur la rémunération du capital. Bien au contraire. Par conséquent, il s’agit pour eux de baisser la rémunération du travail.

Car les entreprises du CAC 40 croulent sous l’argent : 101 milliards d’euros de bénéfices en 2007, après 98 milliards en 2006 (AFP, 8 mars 2008). La question fondamentale est donc bien celle de la répartition des richesses entre travail et capital.

De ce point de vue, la situation de Carrefour est emblématique [1]. En 2007, les ventes du groupe ont augmenté de 7 % à changes constants, et le chiffre d’affaire est de plus de 82 milliards d’euros, dont 37 en France. Si l’on y regarde de plus près, en 2006, les frais de personnel pèsent 7,5 milliards, la publicité près de 1 milliard, et plus de 700 millions sont versés en dividendes. Donc si Carrefour arrêtait de nous truffer la tête de pub et de rémunérer ces parasites d’actionnaires, il pourrait augmenter ses salarié-e-s de... 23 % !

Évidemment, tout n’est pas aussi automatique, mais la marge de manœuvre est vraiment significative. Voyons maintenant ce qui a été « accordé » aux employé-e-s de Grand-Littoral : 45 centimes d’euros en plus sur les tickets-restaurant ! Et encore, cette aumône a un prix : les salarié-e-s doivent parvenir à réduire les vols ou la casse. Par ailleurs, les grévistes exigeaient plus d’heures de travail, mais le patronat n’a distribué qu’un contingent d’heures ridicule, car il tient trop à la précarité du temps partiel imposé !

L’arnaque du « travailler plus »

C’est la deuxième arnaque, le « travailler plus pour gagner plus ». Lagarde, Fillon et Sarkozy se félicitent de la pseudo-réussite de leur grande opération heures supplémentaires (N. Sarkozy, 26-02-08). C’est une pure escroquerie, car les heures supplémentaires sont soumises au bon vouloir du patron. Dans l’immense majorité des entreprises, elles n’existent tout simplement pas : soit le niveau d’activité ne le justifie pas du point de vue patronal ; soit, comme dans de très nombreuses très petites entreprises (TPE) et PME, la flexibilité atteint un tel niveau que les heures supplémentaires ne sont jamais décomptées, mais considérées comme « normales ».

De plus, promouvoir le principe des heures supplémentaires constitue une régression sociale à l’heure où les temps partiels contraints sont imposés à un nombre croissant de travailleuses et où le chômage frappe de plus en plus de travailleurs. Enfin, la défiscalisation des heures supplémentaires signifie en l’occurrence baisse de la part socialisée du salaire (les cotisations sociales pour la protection sociale de toutes et tous). Ces heures éventuelles ne sont donc pas payées à leur juste valeur par l’employeur !

Vrai regain ou feu de paille ?

On a donc l’impression d’un regain des luttes pour une rémunération plus juste du travail, et il faut s’en réjouir.

Néanmoins, la poudre aux yeux des discours sur le pouvoir d’achat n’est pas encore dissipée. Le risque est de voir le patronat et le gouvernement écarter les revendications salariales par des mesures « bling-bling ».

Le combat à mener concerne donc bien la répartition des richesses, actuellement profondément inégalitaire et injuste dans ce pays et plus largement dans le système capitaliste.

Laurent Scapin (AL 93)

[11. Tous les chiffres sont vérifiables dans les rapports annuels et communiqués du groupe Carrefour.

 
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