Luttes dans les PME




Depuis les années 1970, le patronat mène une offensive continue et dévastatrice contre les capacités d’actions collectives des salariés dans les entreprises. Aux délocalisations s’ajoutent les externalisations, les filialisations, la multiplication de la sous-traitance et autres tours de passe-passe pour fragmenter les collectifs de travail et multiplier les statuts. Quelles ripostes à cette lame de fond ?

L’argument économique invoqué ne tient pas. Il s’agit seulement de combattre les capacités d’organisation des travailleurs. Avec la multiplication des petites et moyennes entreprises (PME), les « déserts syndicaux » se généralisent. Le patronat des PME peut enchaîner les régressions sociales et systématiser les violations du droit du travail. Jusqu’à aujourd’hui le mouvement syndical n’a pas su se renouveler pour développer des luttes dans les PME. Le plus souvent, quand le syndicalisme est encore capable d’agir, c’est seulement pour résister, ralentir l’offensive patronale. L’incapacité du syndicalisme à s’opposer à la contre-révolution libérale devrait imposer une véritable « recréation » du syndicalisme. L’expérimentation de « nouvelles » formes d’action doit être à l’ordre du jour, au service du renforcement de l’unité et de la solidarité dans l’action entre les travailleur(se)s et d’abord au niveau local et interprofessionnel. Plus seulement pour résister, mais pour repartir à l’offensive. Nous nous proposons ainsi de publier régulièrement des exemples de ces tentatives de rénovation syndicale. Cet article est aussi un appel à nos lecteurs/trices pour qu’ils /elles puissent contribuer à ce débat.

Babcock Wanson à Nérac (Lot-et-Garonne) fabrique des chaudières industrielles. L’établissement regroupe 150 salarié(e)s. C’est une filiale de CNIM (Constructions industrielles de la Méditerranée). Un conflit atypique vient de s’y dérouler. Depuis deux ans, la direction de CNIM a défini une politique des salaires « simple » : plus d’augmentations collectives. Depuis l’OS jusqu’à l’ingénieur, les mesures salariales se limiteront à des augmentations individualisées. Au niveau central la direction a obtenu l’aval de tous les syndicats présents (CGT, CFDT, FO et CGC). Tous ont signé un « accord salarial » prévoyant 0 % d’augmentations collectives et 1,8 % en moyenne d’individuelles.

Un exemple à Nérac

À Nérac, le syndicat CGT dénonce cette politique, informe les salarié(e)s, réunit une assemblée générale. Le syndicat est mandaté pour refuser de discuter sur les augmentations individuelles et pour présenter une revendication de 5 % avec un minimum de 75 euros. Les négociations n’avancent évidemment pas. Questionnaire aux salarié(e)s sur les « résultats » et les formes d’actions possibles. Nouvelle assemblée générale. Le syndicat est mandaté pour appeler à une grève des heures sup’ et du travail en équipe. Bref, désorganiser la production sans que le salaire de base ne soit touché. Le lundi suivant, dans les ateliers, à une ou deux exceptions près, tou(te)s les ouvrier(e)s autoréduisent leurs horaires, reprennent les heures « normales ». Dès le premier jour la direction déclenche une pluie de lettres recommandées et menace de mettre en œuvre des licenciements. Les discussions sont permanentes dans les ateliers. Le syndicat appelle à une assemblée générale le lundi suivant pour faire le point sur le conflit. La direction alterne les menaces et les ouvertures. Le lundi arrive. L’assemblée générale se tient. Les discussions tournent autour des risques de licenciements et des concessions symboliques de la direction. Au final l’assemblée générale suspend le mot d’ordre pour cette année. Les résultats ? Toutes les sanctions en cours sont annulées, une prime de 120 euros est acquise ainsi qu’une symbolique augmentation collective des salaires (0,6 %), l’assemblée générale est payée. Une victoire symbolique qui renforce le rapport de force sans que cela n’ait rien coûté aux salarié(e)s. Mais un constat amer est collectivement tiré. Se laisser enfermer dans les « frontières » de l’établissement, c’est se condamner à ne pouvoir agir qu’aux « marges », c’est ne pouvoir gagner que des aménagements, alors que le patronat et le gouvernement ne cessent pas d’imposer des régressions sociales.

Interpro

Le syndicat CGT de Babcock Wanson ne limite pas son action dans l’entreprise. Il tente de participer et de faire participer les salarié(e)s aux mobilisations interprofessionnelles, mais souvent sans grand succès. L’année dernière, par exemple, il avait réussi à mobiliser 30 % des salariés au début du conflit sur les retraites. Mais ne s’étant pas reconnu(e)s dans les manifestations trop « public », rapidement la plupart des salarié(e)s ont refusé d’y participer. Seule une poignée de délégué(e)s a continué de suivre « les temps forts ».

Conscient(e)s de toutes ces contradictions, les militant(e)s CGT à Babcock Wanson continueront de s’appuyer sur la logique d’action et de démocratie qu’ils/elles ont su développer dans leur établissement et sont en attente d’initiatives qui permettraient de construire un véritable rapport de force, face au rouleau compresseur capitaliste.

J.-L. D.

 
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