Maroc : Un contexte social explosif




Le régime marocain joue un jeu curieux, retirant de la main gauche ce qu’il offrait de la droite en fonction des interlocuteurs. D’un coté, il procède à des mesures d’apaisement et de l’autre prépare des coupes budgétaires notamment dans l’éducation nationale. Les lycéens ripostent.

Depuis que le parti islamiste modéré Justice et Développement est sorti vainqueur des dernières élections législatives de novembre 2011, la situation politique n’est guère brillante. Le jeu du makhzen – l’appareil étatique marocain – est de laisser le gouvernement faire les sales besognes, ce qui lui a fait perdre très rapidement sa relative popularité. Une telle situation ne pouvait qu’aboutir à un regain de contestation sociale. Plusieurs démarches ont été entreprises afin de canaliser la révolte populaire. Parmi elles, on notera l’augmentation du budget de la caisse de compensation, mécanisme qui permet à l’État d’alléger le coût des produits de première nécessité, ou un plan d’embauche de plus de 40 000 jeunes, lui-même précédé d’une large procédure d’embauche de 200 000 diplômé-e-s au chômage d’ici 2015. Ces mesures s’ajoutent à la reprise des négociations avec les syndicats pour trouver une entente, tout en écartant les militantes et militants de la gauche combative pour mieux saper leur rôle dans les grandes centrales syndicales marocaines comme l’UMT ou la CDT. Ces manœuvres semble laisser indifférente la gauche marocaine, qu’elle soit passive comme à l’assemblée ou trop absorbée à faire le jeu des bureaucraties syndicales.

Tout cela pourrait ressembler à des avancées mais en réalité c’est tout le contraire qui est prévu. Le Maroc vient de signer une demande d’aide au FMI qui exigera des coupes budgétaires et imposera des dettes qui dépasseront ses moyens comme en Grèce.

[*Le FMI demande, le Makhzen obéit*]

Une de ces mesures est la volonté de privatiser les universités – dernière étape d’une longue destruction de l’éducation nationale. Depuis les années quatre-vingt-dix, on assiste à une dévalorisation importante du bac couplé à des seuils d’entrée très élevées dans les grandes écoles ou les branches à long parcours, laissant les universités devenir le refuge des « ratés ». Les lycéens et lycéennes ripostent en créant cet été l’Union des étudiants pour le changement du système éducatif (UECSE). Malgré son côté élitiste, où seuls les étudiants avec une très bonne moyenne au bac ont le droit d’exprimer leur colère, ce mouvement est loin de rester embryonnaire face à la catastrophe actuelle. Devant l’archaïsme des formes de luttes des composantes de la gauche traditionnelle, la volonté de réduire les syndicats à un rôle de gestion sociale, et la désillusion face à l’islamisme politique, nul ne peut prévoir les orientations que prendront les mouvements de contestions. Une seule certitude : entre le mouvement du 20 février et les révoltes spontanées contre la misère dans le Rif ou l’Atlas, le contexte actuel est des plus explosifs. Pour preuve, en juillet, les forces antiémeutes marocaines se sont dotées de 88 voitures blindées en provenance des États-Unis.

Marouane Taharouri - AL Paris Nord Est, et Rahim Ben Ahmed militant libertaire marocain

 
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