Noël Morel (CGT) : « Sur les grèves de sans-papiers, l’été 2008 risque d’être mémorable ! »




Noël Morel milite à l’union locale CGT de Paris XXe. Pilier du groupe syndical du collectif Uni-e-s contre une immigration jetable (Ucij), il a participé depuis le début à l’organisation des grèves de sans-papiers.

Alternative libertaire : Où en est-on des régularisations ? La grève paie-t-elle ?

En tout fin mai, 70 titres divers de séjour (sur 1 000 revendiqués) avaient été délivrés, mais au compte-goutte et en plus, pour nombre d’entre eux, seulement sous forme d’autorisation provisoire de séjour (APS).

La régularisation complète (restaurant de la Jatte à Neuilly : 10 sur 10) ou presque complète (Passion Traiteur à Colombes 19 sur 20) a entraîné la reprise du travail. Avenue Matignon, la convocation à la préfecture des sans-papiers du restaurant Market, deux jours après la mise en place de la grève montre que, quand il s’agit de lieux fréquentés par des ministres et autres personnalités, les obstacles sont levés comme par miracle !

Enfin à Fabbio Lucci (Paris XIXe), les premiers en grève, les salarié-e-s se sont vu proposés une régularisation « vie familiale et privée » et non pas par le travail.

Quelle est la stratégie actuelle dans la lutte ?

Aucune consigne uniforme n’a visiblement été observée par les préfectures pour régulariser. L’une a du mal à entamer le dialogue, d’autres en rajoutent sur le nombre de pièces à fournir. L’État a voulu nous enterrer sous le fatras administratif. La réponse a été la deuxième vague de grève, en fait prévue dès le départ.

Partout où c’est possible, il faut lancer des grèves où l’on retrouverait côte à côte des militantes et des militants syndicaux et associatifs. L’autre aspect qui pourrait changer la donne, c’est l’élargissement au-delà de l’Île-de-France. Mais je pense que la direction de la CGT y est assez réticente car elle sait qu’en province elle serait obligée de travailler avec d’autres forces syndicales.

Quelle est l’attitude du patronat aujourd’hui ?

Après les belles déclarations médiatiques favorables aux régularisations, le ton change en coulisses. Matignon rappelle qu’une ou un salarié régularisé ne travaillera que 35 heures, alors que sans papiers il fait au moins 70 heures.

Et puis certains patrons enragés perdent les pédales. Au Bistro romain, les salariés sont enfermés dans le restaurant, les portes enchaînées. Chez Pastapapa, le patron a carrément agressé les militantes et les militants ; il a essayé de me casser le bras contre un mur et nous a lancé des verres.

D’autres petits patrons déplorent que les salarié-e-s qui ont déposé leur dossier ne reprennent pas le boulot. Ils ne comprennent pas que la grève se poursuive par solidarité avec les autres sites.

Et maintenant, où va-t-on ?

L’été, les grèves de sans-papiers et de saisonniers sont de moins en moins rares. Les confédérations syndicales ont désormais une activité liée à la période estivale. On ne peut malheureusement pas tout écrire publiquement, mais l’été 2008 risque d’être mémorable !

Propos recueillis par Manu (AL Paris Nord-Est)

 
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