Nucléaire : Quand la France s’obstine




Alors que la situation s’aggrave au Japon, le gouvernement français s’obstine dans son modèle énergétique du tout nucléaire. Si la désinformation sur les conséquences réelles de Fukushima arrange bien les pronucléaires, un peu partout en Europe, en revanche, des pays font le choix d’une sortie de l’atome. Petit à petit, la France s’isole.

Un niveau record de radiations – 10 sieverts par heure – a été mesuré le 31 juillet sur le site de la centrale de Fukushima au Japon. Le refroidissement des combustibles, enjeu majeur des jours qui ont suivi le tsunami afin d’éviter une fusion du cœur des réacteurs, et seul élément qui pourra garantir définitivement l’absence de risque d’explosion nucléaire ne devrait pas être effectif avant janvier 2012. Cela signifie qu’aujourd’hui, les combustibles usés (mélange d’uranium et de plutonium) sont toujours stockés dans les piscines endommagées de la centrale. Leur refroidissement est assuré par l’injection de millions de litres d’eau douce qui se charge au passage en radioactivité. Heureusement qu’Areva, fleuron de l’industrie nucléaire française, a réussi à vendre sa recette miracle au Japonais pour recycler l’eau radioactive. Dommage qu’elle ne l’applique pas encore au bout du tuyau de La Hague. Une fuite dans cette piscine pourrait ainsi entraîner l’échauffement des 1000 tonnes de combustibles immergés, qui finiraient par brûler et engendrer inévitablement des rejets radioactifs sans commune mesure avec ce qui a pu se voir jusqu’à présent. Pendant ce temps là, en raison du périmètre d’exclusion de 20 km autour de la centrale, 85 000 personnes vivent toujours en centre d’accueil ou en préfabriqué. Le gouvernement japonais aurait même annoncé récemment qu’une zone de 3 km autour de la centrale devrait rester fermée pendant plusieurs décennies. La réalité risque d’être pire...

[*Fukushima sous silence*]

Alors bien sûr, il vaut mieux ne pas trop parler de Fukushima en France. Les Sarkozy, Besson, Oursel et consorts se frottent les mains que cette actualité soit passée sous silence. Il aurait quand même été bien dommage de devoir remettre en cause notre belle puissance nucléaire à cause d’un fâcheux accident dans un pays où les centrales sont forcément bien moins fiables qu’en France... Chez nos voisins pourtant la posture post-Fukushima semble plus raisonnée. Le message le plus fort et la décision la plus spectaculaire ont été envoyés par l’Allemagne. Dans les jours qui ont suivi le 11 mars, Angela Merkel a annoncé que le pays allait retravailler à la sortie de l’atome. Finalement, le 30 juin dernier, 513 députés ont voté pour le texte prévoyant que le dernier des 17 réacteurs nucléaires allemands s’éteindrait au plus tard le 31 décembre 2022 (79 contres et 8 abstentions). Depuis quelques années, l’Allemagne travaille sur une transition menant vers un nouveau modèle énergétique basé sur la réduction de la consommation électrique – sobriété + efficacité – et le développement massif des énergies renouvelables. La petite part restante proviendra d’énergies fossiles, à savoir des centrales au gaz.

[*Sorties du nucléaire en Europe*]

Autre réaction marquante chez nos voisins, le cas suisse. Troisième pays du monde pour la part d’énergie nucléaire dans la production électrique totale avec 41,3 % « d’électricité nucléaire » (derrière la France, 75,2 % et l’Ukraine, 48,6 %). Le pays avait planifié la construction de trois nouvelles centrales à partir de 2020. Là encore, Fukushima a fait bouger les lignes. Le 15 mars, soit quatre jours après la catastrophe, tous les projets de nouvelles installations ont été gelés. Moins de trois mois plus tard, le conseil fédéral entérinait une loi pour une sortie progressive du nucléaire. La dernière centrale sera ainsi fermée en 2034. A l’instar de l’Allemagne, le nouveau modèle énergétique se base sur une réduction de la consommation, un gros effort sur l’efficacité énergétique pour les appareils électriques et sur le bâti, des mécanismes de bonus-malus et des campagnes de sensibilisation de la population. En parallèle, un développement intensif des énergies renouvelables et la construction de centrales à gaz à cycle combiné. L’importation d’une petite part d’électricité reste d’actualité afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement. En Italie, suite à la catastrophe de Tchernobyl en 1987, un moratoire empêchait la construction de nouvelles centrales. La situation semblait relativement claire mais en mai 2008, Berlusconi – dans une démarche quelque peu cavalière – proposa un retour à l’énergie atomique sous cinq ans. Cette décision devait passer par referendum dont l’issue semblait jouer d’avance tant la campagne de désinformation massive fit effet. Mais le drame japonais a redistribué les cartes et a pris le pas sur la propagande. C’est finalement sur un score sans appel que l’atome fut renvoyé aux oubliettes.

[*La France progressivement isolée*]

Le dernier évènement marquant vient d’outre manche avec l’annonce de la fermeture de l’usine de production de Mox de Sellafield. Ce mélange d’uranium et de plutonium alimentait notamment le réacteur n°3 de la centrale de Fukushima. Ce pas en avant anglais laisse l’usine Melox de Marcoule dans le Gard comme le dernier site de fabrication de Mox au monde. Ces pays ont montré en quelques mois l’exemple à suivre. La Belgique ayant déjà enclenché un programme de sortie du nucléaire et l’Espagne avançant depuis 1988 avec un moratoire sur la construction de nouvelles centrales nucléaires, la France est de plus en plus isolée dans sa politique obsessionnelle du tout nucléaire et son discours de plus en plus inaudible.

Antoine Concil (militant écologiste)

 
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