Palestine : Le pire est déjà là, et après ?




La guerre préventive menée par les USA et leur victoire militaire rapide en Irak ont conduit certains à imaginer que le recours à la force était devenu un moyen « honorable » pour amener un pays à leur raison. Il nous semble que le scénario est le même en Palestine puisque cela permet à Ariel Sharon de justifier lui aussi un peu plus le recours à la violence.

La guerre en Irak, du fait de la démonstration de l’écrasante supériorité de la machine américaine, n’a pas eu d’effets positifs : elle oblige les Palestinien(ne)s à courber un peu plus la tête, et à sentir leur propre avenir encore plus incertain. La « feuille de route », proposée par le quartette États-Unis, Russie, ONU, Union européenne n’est qu’un pas de plus dans le délire sécuritaire que mène Israël : en échange d’une « collaboration » avec l’Autorité palestinienne pour l’éradication des groupes armés, les frontières d’un État palestinien pourraient être envisagées : des frontières provisoires sur 42 % de l’actuelle Cisjordanie, c’est-à-dire à peine 9 % de la Palestine historique ! L’Autorité palestinienne est censée donner en premier lieu des garanties de sa bonne volonté, alors qu’Ariel Sharon a déjà laissé entendre que certaines questions seraient remises à plus tard (retour des réfugiés, frontières de Jérusalem-est, départ de l’armée d’occupation). Qui s’étonne alors qu’aucun(e) Palestinien(ne) n’offre la moindre chance à cet honteux chantage ? « Un autre Oslo », « une expérience défaillante et inutile », voilà ce qu’on peut entendre dans la rue à Naplouse ou ailleurs !

Et que nous reste-il à nous, militant(e)s lointain(e)s d’une cause qui ne cesse jamais de s’aggraver ? Alors que nos ami(e)s volontaires des Missions civiles de protection du peuple palestinien sont aujourd’hui refoulés à la frontière. Sharon refusant la présence des activistes propalestiniens comme il les appelle, soupçonnés de protéger les maisons de « terroristes » et de gêner le travail des bulldozers et des tanks (rappelons que Rachel Corrie, américaine de 23 ans, a été tuée par un de ces monstres d’acier alors qu’elle tentait d’empêcher la destruction d’une maison). Il devient donc de plus en plus difficile pour les civils, et pour les journalistes qui sont également de plus en plus menacés directement (8 morts depuis le début de l’Intifada), d’aller voir directement ce qui se passe dans les territoires.

23 % de la Cisjordanie actuelle sont d’ores et déjà grignotés par un mur en construction, qui l’amputera de 80 % de ses terres fertiles et de ses sources d’eau. Ce mur, qui devient la préoccupation essentielle des villageois qui vivent à proximité, encerclant parfois entièrement certaines villes, finira par rendre impossibles les déplacements des Palestinien(ne)s. Ainsi, le village de Mas’ha dans le district de Qalquiliya va perdre 98 % de sa terre agricole avec ce mur. « Notre terre est notre honneur » déclarent les habitant(e)s à qui veut les entendre. Que leur restera-il quand le dernier de leurs arbres sera déraciné ? La Cisjordanie ne sera-t-elle donc plus qu’une immense prison à ciel ouvert ? La prison des Palestinien(ne)s sera aussi et surtout un ghetto pour les Israélien(ne)s. Les militant(e)s pacifistes le savent bien, comme ils savent que les Palestinien(ne)s ne sont pas prêt(e)s à vivre une nouvelle naaq’ba (catastrophe). Dans leur immense majorité, ils/elles préféreraient mourir sur place, comme ces familles qui restent sous les tirs et les bombes des nuits durant, parce que leur maison est la prochaine sur la liste, et qu’elles n’ont nulle part ailleurs ou aller.

Du côté israélien, la peur de l’autre est aussi engendrée par une gigantesque méconnaissance de la réalité dans les territoires occupés. Est-il pensable qu’une majorité de la population ne s’informe que par le réseau des chaînes de télévisions américaines ? CNN pourrait-elle retransmettre une vision exacte de ce qui se déroule en Cisjordanie et à Gaza ? Les exploits des Boys sur la terre irakienne aurait-ils pu leur permettre de saisir le drame d’une population civile ? Aujourd’hui, les Israélien(ne)s sont à plaindre. Justement, parce que dans leur grande majorité, ils/elles ne savent pas ce qui se passe à moins de 50 km de chez eux. Mais le plus grave ici n’est pas de ne pas savoir, mais de ne pas chercher à savoir...

On l’a vu, le contexte actuel n’est pas favorable pour entériner des négociations car la « communauté internationale » s’est divisée avec la guerre contre l’Irak (ONU en tête). Il n’est donc pas surprenant qu’aujourd’hui les fondamentalistes religieux puissent offrir à la population palestinienne un discours fédérateur autour du repli identitaire, rempart séduisant contre l’isolement international et l’apartheid qui s’est mis en place.

Marc et Marielle (AL Angers),
le 12-05-2003

 
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