Palestine à l’Onu : Pour mettre fin à l’impunité




Le 23 septembre dernier, le Président de l’Autorité palestinienne demandait l’admission de la Palestine sur la base des frontières de 1967 en tant que membre à part entière de l’Onu. Si la perspective d’un Etat souverain s’épuise progressivement, cette candidature pourrait en revanche servir à dénoncer le scandale de l’occupation.

Si la Palestine se trouve aujourd’hui dans une situation de détresse qui n’en finit pas, elle le doit largement aux décisions de l’Onu et des grandes puissances. En 1947-48, il y eut consensus pour que le peuple palestinien paie pour le génocide nazi et l’antisémitisme européen. L’Onu vote une partition très inégale du pays puis reconnaît Israël comme Etat juif sur 78 % du territoire palestinien. Dès 1949, Israël viole les conditions de l’armistice qui stipulaient le retour des réfugié-e-s palestiniens, détruit leurs villages et confisque leurs maisons. L’Onu accepte d’avaliser ce nettoyage ethnique et crée l’office des réfugiés (l’UNRWA). Soixante ans plus tard, ils sont plus de quatre millions, éparpillés et vivant souvent dans des conditions misérables. La communauté internationale souhaite qu’ils disparaissent et renoncent à leur droit au retour. L’État d’Israël tel qu’il est, occidental, surarmé, dépensant l’essentiel de son budget dans l’armement et les technologies de pointe correspond aux attentes de l’Onu. Après 1967, l’Onu demande l’évacuation des territoires occupés. Depuis, l’occupant y a installé plus de 500 000 colons. Aucune sanction ! Israël a envahi plusieurs fois le Liban. L’Onu a envoyé des troupes (la FINUL) qui ont été humiliées par les Israéliens mais n’ont jamais tiré le moindre coup de feu contre l’envahisseur. L’Onu a avalisé le blocus de Gaza et criminalisé le Hamas.

[*Hypocrisie, complicité et impunité*]

Au bout du compte, les seuls sanctionnés par l’Onu, ce sont les Palestiniennes et les Palestiniens. Ils sont devenus, comme les Amérindiens ou les Aborigènes, des « indigènes » du Proche-Orient privés de tous leurs droits et l’Onu n’a jamais rien entrepris contre cette situation.

La palme de l’hypocrisie revient à Obama qui a obéi avec ardeur au lobby d’extrême droite American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), groupe de pression étasunien qui soutient l’idéologie sioniste ; et il s’est soumis sans difficulté à un Congrès qui a acclamé Nétanyahou. À peine avait-il promis son veto à la candidature de la Palestine pour devenir membre de l’Onu, en contradiction totale avec son discours du Caire en 2009, que Nétanyahou annonçait la construction de 1 100 nouveaux logements dans la colonie de Gilo et armait les colons.

Obama a manifestement accepté que les dirigeants sionistes lui dictent leurs volontés et le Congrès étasunien vient de supprimer la petite obole – 200 millions de dollars – allouée à la Palestine pour rendre la situation moins invivable. Dans l’opinion juive étasunienne, le mouvement J-street s’est prononcé contre l’entrée de la Palestine à l’Onu. Seul Jewish voices for peace continue un combat courageux pour les droits du peuple palestinien.

L’Union européenne, principal partenaire économique d’Israël, l’a soutenu pendant la tuerie de l’opération « Plomb durci ». Juppé a tout tenté pour empêcher le départ de la flottille pour Gaza, expliquant qu’elle était « inopportune » et « dangereuse pour la paix ». Papandréou l’a bloquée à Athènes sur ordre de Nétanyahou. Sarkozy propose que la Palestine ne puisse en aucun cas porter plainte auprès de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre israéliens. Il laisse les fascistes de la Ligue de défense juive (LDJ) partir dans les colonies pour casser du Palestinien. Et il a bloqué des centaines de militants internationaux en partance pour la Palestine dans les aéroports français. De nombreux parlementaires français (UMP et PS) se sont prononcés contre la candidature palestinienne. Le suivisme de l’Autorité palestinienne vis-à-vis des occidentaux a, du coup, quelque chose de stupéfiant. L’Occident a toujours demandé que les Palestiniens capitulent sur leurs revendications essentielles. Pour des raisons militaires, stratégiques, économiques et idéologiques, Israël est un pays occidental. C’est l’impunité qui permet à la direction israélienne de poursuivre ce qui lui a si bien réussi depuis des décennies : la fuite en avant coloniale et le fait accompli. Tant qu’il n’y aura pas de sanctions, la colonisation, le Grand Israël et la destruction de la Palestine se poursuivront.

[*Une candidature stratégique*]

La candidature palestinienne a un intérêt propagandiste : dénoncer partout le scandale de l’occupation et forcer les Etats à suivre une opinion publique mondiale de plus en plus sensibilisée. Mais, Ziyad Clot le rappelle dans le titre de son livre : « il n’y aura pas d’Etat palestinien » [1]. Vote favorable ou veto américain, comment imaginer que les 500 000 colons acceptent de partir ou de devenir citoyens palestiniens ? Comment penser qu’un gouvernement israélien les y force et démantèle les colonies et les « nouveaux quartiers » de Jérusalem ? Bref, on le met où, l’Etat palestinien, pour que ce ne soit pas un bantoustan non-viable ? La Palestine a été atomisée en plusieurs entités : Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est, les réfugié-e-s et les Palestiniens d’Israël. Il y a le danger qu’un Etat palestinien limité à 22 % de la Palestine historique n’abandonne ces deux dernières entités. En Palestine, les réserves sont nombreuses devant cette candidature : peur de la disparition de l’OLP qui représente tous les Palestiniens, refus de se lancer dans un remake d’Oslo alors que ce processus a tourné à la farce tragique, conscience que rien n’est dit ou fait pour mettre fin à la colonisation qu’il ne s’agit pas de geler mais de détruire. À la fête de l’Humanité, le cinéaste anticolonialiste Eyal Sivan disait clairement qu’on assistait aux derniers soubresauts de l’idée de deux Etats. On va probablement changer de période avec une lutte pour l’égalité des droits dans un espace unique. Palestiniens et Juifs israéliens sont en nombre sensiblement égal entre Méditerranée et Jourdain. L’inégalité des droits est flagrante et insupportable. En fait, cette candidature a un seul intérêt : changer le rapport de force, prouver au monde entier qu’Israël viole en permanence les droits fondamentaux et pousser un maximum de citoyens et de pays à mettre fin à l’impunité de l’occupant.

[*Affronter les complices de l’occupant*]

Il faut utiliser les mots pour caractériser ce qui est à l’œuvre : nettoyage ethnique il y a 60 ans, occupation, colonialisme, apartheid, crimes de guerre… Dans son discours à l’Onu, Mahmoud Abbas n’a pas appelé à sanctionner Israël ou à juger ses dirigeants. Il n’y a rien à attendre des dirigeants occidentaux. Les tâches du mouvement de solidarité restent plus que jamais les mêmes : le BDS (boycott, désinvestissement, sanctions), une nouvelle flottille par mer et/ou par air, un soutien quotidien aux prisonniers palestiniens en grève de la faim ou aux comités populaires luttant contre le mur et les arrachages d’oliviers… Il faut affronter les complices de la colonisation. La candidature à l’Onu aura au moins cet avantage. Par leur vote, certains gouvernements vont dévoiler leur connivence. Il faudra la leur faire payer.

Pierre Stambul (Union Juive Française pour la Paix)

[1Zyad Clot, Il n’y aura pas d’Etat palestinien, Max Milo, Paris, 2010, 284 pages.

 
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