Psychiatrie : Coupables d’être psychotiques




En mai 2010 était présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ». Sous couvert de « mieux répondre aux besoins des personnes atteintes de troubles mentaux », c’est à une nouvelle offensive sécuritaire et libérale que nous assistons.

Le 2 décembre 2008, à la suite d’un fait divers, Nicolas Sarkozy avait lancé à Antony un « plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques ». Ce discours, s’articulant autour des pires représentations de la folie, faisait déjà l’amalgame entre maladie mentale et dangerosité. Cette politique trouve aujourd’hui une application concrète dans le projet de loi présenté au printemps dernier, c’est bien celle d’une idéologie capitaliste et sécuritaire appliquée aux soins psychiatriques.

Faciliter l’internement

La précédente loi de 1990 réaffirmait un principe essentiel : l’hospitalisation sous contrainte doit rester l’exception et cette privation de liberté ne peut se faire que dans le cadre de l’hôpital. Le texte actuel prévoit une importante réforme des soins sans consentement pour les personnes atteintes de troubles mentaux.

Le premier élément est l’insistance portée sur la facilitation des procédures d’internement, tout en rabaissant au minimum les dispositions sensées prémunir contre les demandes abusives. Un seul certificat médical, au lieu des deux actuellement, serait désormais nécessaire à l’enfermement d’une personne, dont la durée minimum pourrait être de 6 jours ! C’est le manque chronique de moyens dont souffre la psychiatrie qui est ici enteriné et posé en tant que système.

Ensuite, dans la continuité des politiques publiques relatives à la psychiatrie, le projet amplifie le mouvement de fermeture des lits sans toutefois offrir de réelles alternatives à l’hospitalisation. En effet, les moyens alloués aux alternatives à l’hospitalisation sont en constante diminution, de nombreuses structures, qui faisaient un réel travail d’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques ayant fermé ces dernières années.

Les psychiatres, contrôleurs judiciaires

Le texte va encore plus loin en instaurant les soins sous contrainte hors de l’hospitalisation – la privation de liberté s’étendant dorénavant hors de la prise en charge hospitalière , seule garante d’un vrai suivi thérapeutique – soins dont le contrôle sera assuré par les psychiatres libéraux. Désormais les soins psychiatriques favoriseraient une approche strictement pharmacologique au grand bonheur de l’industrie pharmaceutique et de ses actionnaires.
Devenus simples prescripteurs de psychotropes, les psychiatres pourraient y gagner une nouvelle mission : celle de contrôleur judiciaire ! En effet le projet de loi prévoit qu’en cas de non-suivi du traitement, ils devront en avertir le préfet. Quelles possibilités, alors, d’instaurer un lien thérapeutique ou même de préserver le secret médical qui devrait protéger le patient ? Les sorties à l’essai sont supprimées : seul le préfet serait habilité à décider de la « libération » des patients sous contrainte.

Enfin, « l’étude d’impact » qui accompagne ce projet de loi prévoit de multiplier les structures d’enfermement, les UMD (Unités pour Malades Difficiles), véritables prisons psychiatriques. Il est à noter qu’un passage en UMD vaudra un suivi particulier et un signalement systématique auprès du représentant de l’État.
Les moyens que réclament les professionnels seront donc logiquement affectés à la construction d’un arsenal sécuritaire et notamment à « l’amélioration de la sécurité des enceintes hospitalières (…) des barrières d’entrée, des dispositifs de vidéosurveillance [et] à la création de 200 chambres d’isolement supplémentaires ». La casse générale du service public hospitalier et de la médecine mentale est donc bien actée : moins de moyens humains, moins de soins mais plus de contrôle et de flicage. Et ce, à l’heure où les politiques de santé mentale psychiatrisent à outrance les conséquences des dures réalités sociales vécues par toutes et tous au travail et au-delà.

David (AL Paris Nord-Est)

 
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